CHOIX D'ÉCRITS
SPIRITUELS
DU
BIENHEUREUX
FRANÇOIS DE LAVAL
(1623-1708)
Les principaux documents
concernant François de Laval ont été rassemblés dans l'ouvrage suivant publié par
la Sacrée Congrégation des Rites en 1956: Quebecen. Beatificationis et Canonizationis Ven. Servi Dei Francisci de Montmorency-Laval episcopi
Quebecensis (+1708) Altera nova positio super virtutibus ex officio critice
disposita (Sacra
Rituum Congregatio, Sectio historica, 93), Polyglottis Vaticanis, 1956. Nous désignerons cet ouvrage
par l'abréviation Altera nova positio suivie
de l'indication de la page. Quelques textes proviennent des Archives du
Séminaire de Québec (ASQ) et du premier volume des Mandements des évêques de
Québec: TÊTU, H. et GAGNON, C.-O., Mandements,
lettres pastorales et circulaires des évêques de Québec, vol.1, Imprimerie
générale A. Côté et Cie, Québec, 1887, cité ainsi Mandements. Dans quelques
cas nous référerons à des sources autres. À ce moment, nous les indiquerons
"in extenso" .
Le cinq lettres à Henri-Marie Boudon, archidiacre
d'Évreux
À
Québec, ce dernier septembre 1666.
Mon très cher Monsieur.
Jésus
crucifié soit notre force. Jamais je ne
fus plus consolé d'aucune de vos lettres que de celle que j'ai reçue cette
année. L'on ne peut lire sans horreur
le manifeste pernicieux qui a été publié contre votre réputation. Je vois que l'enfer a vomi tout ce poison et
que ce malheureux auteur y a puisé toute la malice dont il est composé. Je ne puis vous estimer malheureux, puisque
Notre-Seigneur, la Vérité éternelle, vous béatifie: « Beati estis cum
maledixerint vobis homines et dixerint omne malum adversus vos ». Au contraire, je me réjouirai avec vous de
la joie des saints Apôtres, lesquels ibunt a conspectu concilii gaudentes,
quoniam digni habiti sunt pro nomine Iesu contumeliam pati. Ma consolation donc, mon cher Monsieur,
recevant votre lettre, est de ce que par la miséricorde de Notre-Seigneur, il
vous a donné un cœur capable d'avoir autant de joie et d'amour pour la Croix et
le mépris, que le monde en conçoit d'horreur et d'aversion. Non fecit taliter omni nationi. Sans doute la très sainte
Vierge et les saints Anges vous auront procuré cette grâce par un amour spécial
qu'ils ont pour vous. C'est la
précieuse perle de l'Évangile, quam quis invenit, abscondit et prae gaudio
illius vadit et vendit universa quae habet et emit illam.
Priez bien
Notre-Seigneur qu'il me fasse la grâce de bien user des grâces qu'il me fait
et des petites Croix qu'il nous présente quelquefois à souffrir. Nous sommes, grâce à Dieu, plus paisiblement
que nous n'avons été les années passées en ce pays par le retour que M. de
Tracy a fait depuis un an. Il y passera
encore cette année. C'est une personne
de mérite et de piété. Il est
présentement dans le pays des Iroquois en personne avec quatorze ou quinze
cents hommes dont nous avons sujet d'espérer un bon succès, Dieu aidant. Il y aura ensuite une grande liberté. Operarii pauci, messis quidem multa, rogate
etc.
J’écris à
Mgr d'Évreux. Vous lui donnerez ma
lettre. Je n'ai pas cru me pouvoir
dispenser de rendre le témoignage que je dois à votre vertu et votre innocence.
C'est à Notre-Seigneur à la manifester et non pas aux hommes. Ainsi, mon cher Monsieur, disons: « Expecta
paulisper, donec impleatur numerus fratrum vestrorum ».
Priez bien Dieu pour moi, je vous en
conjure, et pour toute notre Église et nous faites.... (quelques mots sont inintelligibles) des bonnes fortunes, qui vous
arriveront par la disposition aimable de la divine Volonté, et surtout me
croyez avec vérité, votre très humble et obéissant serviteur,
François, évêque
de Pétrée.
(Postscriptum)
Je vous conjure de me mander quelque chose dans la simplicité
et vérité de la disposition de mon frère le religieux. Il me semble avoir entendu qu'il avait bien
l'air du monde et non pas celui d’un bon religieux. Cela me donne de la douleur et de la peine en même temps, ayant
possible contribué quelque chose à ce qu'il fût religieux, étant trop jeune
pour le connaître. Ce n'est pas que je
n'aie fait tout mon possible depuis ce temps pour le porter au bien, comme de
le faire étudier et de lui inspirer de faire effort d'entrer aux réformés; ce
qu'il a tenté, mais son infirmité l'en
a empêché. Je souhaite de tout mon cœur
pouvoir contribuer à le remettre dans son train de vertu. Je vous supplie d'en avoir soin et de me
faire savoir tous les ans comme il se comporte. J'ai négligé de lui écrire depuis mon éloignement de France. J'ai pensé le faire cette année, mais j'ai
voulu avoir auparavant vos sentiments et savoir l'état dans lequel il est.
Altera nova positio pp. 205-207
Québec, 6 novembre 1677
J'ai reçu, mon cher Monsieur, bien de la consolation
d'apprendre que Notre-Seigneur, après toutes les épreuves dont sa divine
conduite s'est servie pour exercer votre patience et pour vous sanctifier vous
faisant la miséricorde d'en faire un bon usage, enfin il vous ait rétabli dans
la réputation que lui-même assurément a permis qui vous ait été ôtée. Dominus mortificat et vivificat, deducit ad
inferos et reducit.
Tout ce que la main de Dieu fait nous sert
admirablement, quoique nous n'en voyions pas sitôt les effets. Il y a bien des
années que la Providence conduit cette Église, et nous par conséquent, par des
voies fort pénibles et crucifiantes tant pour le spirituel que pour le
temporel.
Pourvu que sa sainte volonté soit faite, il ne nous
importe. Il me semble que c'est toute
ma paix, mon bonheur en cette vie que de ne [vouloir] point d'autre
paradis.
C'est le royaume de Dieu qui est au dedans de l'âme
qui fait notre centre et notre tout.
Priez-le bien, sa sainte Mère, son saint Époux, tous les
saints Anges et bienheureux Esprits, qu'il me [fasse] la grâce de ne jamais
rien vouloir que l'accomplissement de cette divine et aimable volonté per
infamiam et bonam famam.
Je vous recommande bien les besoins spirituels de
notre Église aussi bien que les temporels, afin que Notre-Seigneur se glorifie
en tout. Je suis tout à vous en Son
amour et celui de sa sainte Mère.
François, évêque de
Québec.
J'ai été incommodé et retenu à la chambre pendant tout
1'hiver de fluxions et autres incommodités.
L'on m'a fait un cautère pour voir si cela n'en détournerait point le
cours, mais il ne fait pas grand effet.
Je vous envoie les deux actes que vous m'avez demandés. Donnez-nous tous
les ans de vos nouvelles; elles me consolent dans nos tribulations.
Altera nova positio pp. 207-208
Lettre écrite
un an après le retour à Québec du bienheureux François de Laval qui avait
démissionné de sa charge d'évêque de Québec. Il se trouvait alors au Séminaire
de Québec.
Québec, ce 12
novembre 1689.
J'ai reçu,
mon cher Monsieur, votre lettre d'Évreux du septième de février. Je ne puis vous écrire de ma main, ne
faisant que relever d'une maladie qu'on croyait mortelle, qui a été précédée,
trois mois auparavant, d'une autre qui n'était pas moins dangereuse. Ce qui nous
fait connaître que notre fin n'est pas éloignée. C'est en cet état qu'on
reconnaît la vérité qu'il n'y a que Dieu seul et que tout le reste n'est rien
qu'un pur néant.
Souvenez-vous
toujours de nous en sa sainte présence et lui demandez et [à] sa sainte Mère
les grâces qui nous sont nécessaires pour nous disposer à bien mourir. Je suis tout à vous en leur amour.
François, ancien évêque de
Québec.
Altera nova positio p. 208
1690
J'ai reçu, mon
cher Monsieur, votre lettre du 3 mai, jour de la fête de l'Exaltation de la
sainte Croix de Notre-Seigneur, Sauveur de tous les hommes.
Vous avez
raison de nous marquer dans votre lettre que la véritable marque de l'amour
qu'il nous porte est de nous faire part de ses Croix, et qu'en faisant bonne
part au Canada, il y doit répandre ses grâces et bénédictions.
Sa protection
a paru cette année toute miraculeuse sur le Canada que les Anglais comptaient
déjà de mettre en leur possession étant venus assiéger Québec avec une armée
navale de plus de trente vaisseaux, avec du moins trois mille hommes, partis de
Boston, ou ils avaient donné rendez-vous à une autre armée du moins de quatre
mille hommes, composée d'Iroquois et Anglais de la Nouvelle-York.
Notre plus
grand secours a été à la prière et de faire diverses neuvaines à la sainte
Vierge et à saint Joseph, aux saints Anges, aux âmes du purgatoire, à sainte
Anne et à saint François Xavier, tous patrons particuliers de ce pays. Ce moyen a été plus efficace que la force
des armes, Dieu ayant mis la consternation dans leurs esprits et encouragé un
petit nombre de nos habitants qui n'étaient pas au nombre au plus de trois
cents et qui cependant ont obligé les ennemis, qui avaient fait une descente de
plus de deux mille à une lieue de Québec, de se rembarquer la nuit, laisser
cinq pièces de canon qu'ils avaient descendues à terre avec deux
étendards.
Nous
n'avions pas en ce temps-là un seul vaisseau.
Les trois seuls que nous avons encore de dix qui sont partis de France
n'étant arrivés que le 15 novembre, n'ont pas été protégés moins
miraculeusement ayant été poursuivis des ennemis qui pendant cinq jours ont
fait tous leurs efforts pour entrer dans un lieu où ils s'étaient réfugiés, en
ayant toujours été repoussés par des vents contraires qui changè[rent] sur
l'heure même que les nôtres y furent entrés, et enfin furent obligés par des
tourbillons de neige et de mauvais temps de se retirer.
L'on dit
même que l'amiral a coulé à fond à vingt ou trente lieues d'ici, n'ayant pu
trouver où il faisait eau du dommage qu'il avait reçu de notre canon. L'on ne sait encore les accidents qui sont
arrivés à nos autres vaisseaux, mais l'on rapporte qu'il y en a encore deux qui
ne sont pas éloignés d'ici et qu'ils ont passé au travers des ennemis sans
qu’ils leur aient rien fait. Ce qui est
certain, est qu'ils s'en retournent avec grande confusion et désordre.
Cette
protection miraculeuse obligerait bien ce pauvre pays de reconnaître qu'il n'y
a que Dieu seul qui a manifesté en cette occasion sensiblement sa
toute-puissance et sa miséricorde, de si puissants ennemis étant venus avec la
résolution de mettre tout à feu et à sang.
Je prie
Notre-Seigneur et sa sainte Mère que tout le pays reconnaisse cette grâce et
que les intérêts de Dieu seul soient à l'avenir leur seul intérêt et de
procurer la gloire de son saint Nom en détruisant les péchés qui ont attiré ces
fléaux de sa colère sur nous. Ces
châtiments ont été remplis de bonté et de miséricorde vraiment paternelles.
Priez bien,
mon cher Monsieur, Notre-Seigneur et sa sainte Mère, tous les saints Anges et
les saints Patrons de cette Église que nous puissions faire un bon usage des
Croix dont il plaît à Notre-Seigneur de faire bonne part au pays et spécialement
à toute l'Église.
Vous
apprendrez, lorsque vous irez à Paris, de nos amis, des moyens dont il se sert
pour cet effet, qui sont d'autant plus extraordinaires qu'ils viennent de la
part de ceux qui en doivent être tout l'appui.
Notre-Seigneur
est aimable en tout et en prenant tout de sa divine main, nous jouirons
toujours d'une paix que tous les hommes ne nous peuvent ôter.
Je serai
toujours, le peu de jours qui me restent à vivre, tout à vous en l'amour de
Jésus, Marie, Joseph, tous les saints Anges et tous les saints.
François, ancien évêque de
Québec.
Altera nova positio pp. 209-210
À Québec, ce
12 octobre 1692.
J'ai reçu,
mon cher Monsieur, votre lettre dans laquelle je remarque que Notre-Seigneur vous
continue ses grâces et miséricordes et vous fait toujours quelque part de sa
Croix, et qu'elle vient pour l'ordinaire des personnes qui devraient être
l'appui de ce qu'ils contrarient, afin qu'elles soient plus sensibles à la
nature et qu'elles purifient davantage.
Jamais on ne
l'a expérimenté de la manière que cette pauvre Église le ressent,
Notre-Seigneur ayant permis que j'y aie introduit (par le choix que j'ai fait)
une personne qui se déclare ennemi irréconciliable de tout le bien que nous avons
fait notre possible d'y établir depuis trente ans. Son voyage de France n'a été à d'autre dessein que de détruire ce
Séminaire (si Notre-Seigneur lui avait permis) de fond en comble. Il s'est
servi pour cet effet de tous les moyens que l'esprit humain et du démon peut
former et inventer; ce qu'il continue depuis son retour. Toutes les persécutions et oppositions que
Dieu a permis que nous ayons reçues du dehors, quelque fortes et puissantes
qu'elles aient été, n'ont été rien en comparaison de ces épreuves.
Ce sont des
marques assurées que c'est vraiment une œuvre de Dieu, et en effet il est tout
le soutien et 1'appui de tout le bien qui s'est fait depuis trente ans et qui
se fait journellement dans cette pauvre Église naissante. J'estime que d'un côté qu'à mon regard,
c'est la plus grande grâce que Notre-Seigneur me pouvait faire, dont je le loue
et le bénis et sa sainte Mère; mais d'autre part, ce m'est une douleur bien
sensible que celui qui devrait être l'appui et le soutien de cette Église naissante,
serve d'instrument au démon pour travailler à la destruction, tâchant d'y
mettre autant qu'il peut la division et la confusion sous des apparences de
bonnes intentions, qui sont de pures illusions et tromperies du démon.
Vous voyez,
mon cher Monsieur, que nous avons un besoin extrême que Notre-Seigneur apporte
un prompt remède à ce mal, qui est sans remède, à moins que Dieu inspire au Roi
(qui a connu la nature de l’esprit dans ce voyage) de le changer, étant comme
impossible qu'il puisse lui-même changer de conduite et de maximes. Joignez
vos prières aux nôtres, afin que Notre-Seigneur se glorifie lui-même selon son
bon plaisir. M. Tremblay, qui va en
France pour avoir besoin des affaires de ce Séminaire, vous instruira des
particularités. Il loge au Séminaire
des Missions étrangères.
Je suis tout
à vous en l'union et l'amour de Notre-Seigneur, de sa sainte Mère, des saints
Anges et de tous les saints.
François, ancien évêque de
Québec.
Altera nova positio pp. 210-211
Les missions et la connaissance des populations
Lettre à deux missionnaires du Séminaire de
Saint-Sulpice de Montréal au lac Ontario, 14 février 1665
François, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège, Évêque de Pétrée,
Vicaire Apostolique en la Nouvelle-France, nommé par le Roi premier évêque du
dit pays, à notre bien-aimé en Notre-Seigneur, François de Salagnac, prêtre,
salut.
C'est avec une singulière satisfaction et consolation de notre âme que
Nous avons vu la ferveur et le courage avec lequel vous vous portez à la
conversion des nations infidèles, et que pour l'exécution de ce pieux dessein
vous Nous avez fait connaître les sentiments que Dieu vous a donnés d'aller
avant cet hiver dans un lieu situé vers l'entrée plus proche de nous du lac
nommé Ontario, côte du nord, pour y travailler à la conversion d'une nation que
Nous avons appris qui s’y est établie depuis environ trois ans, et y chercher
les brebis égarées que ci-devant les Pères de la Compagnie de Jésus avaient
amenées an bercail de Notre-Seigneur Jésus Christ.
Nous sentant d'autre part porté
de contribuer de tout notre pouvoir et autorité à un zèle si saint, et le
devoir de notre charge Nous obligeant de pourvoir aux besoins de ce lieu et ne
pouvant le faire par Nous-même pour la trop grande distance, étant d’ailleurs
bien informé de votre suffisance, piété et bonnes mœurs, Nous vous donnons
pouvoir et autorité de travailler à la conversion de ce peuple, leur conférer
les sacrements et généralement faire tout ce que vous jugerez à propos pour
l’établissement de la Foi et l’accroissement du Christianisme nouveau; et ce
autant de temps que Nous le jugerons à propos, vous enjoignant toutefois d’être
subordonné en toutes les dites fonctions à notre bien-aimé Claude Trouvé,
prêtre, que Nous associons avec vous pour le même dessein, et de recevoir en
tout ce qui regardera le salut des âmes, la conduite et le pouvoir de lui, vous
exhortant surtout de vivre ensemble dans une sainte union.
Que si par une providence de Dieu, il se présente quelque occasion
d’écrire à quelques-uns des Pères de la Compagnie de Jésus qui sont dans les
nations iroquoises, Nous vous exhortons et désirons que vous confériez avec eux
par lettres de toutes les difficultés que vous rencontrerez dans
l’administration de vos fonctions et que vous vous conformiez à la pratique que
les lumières de la grâce et leur longue expérience leur ont fait juger
nécessaire d’établir pour la conduite de ces nouveaux Chrétiens, tant en ce qui
concerne l’usage des sacrements qu'en tout le reste du spirituel.
Mais sur toutes choses, Nous vous conjurons de leur faire paraître en
toute sorte de rencontres des marques véritables et sincères du ressentiment [n'a pas de sens péjoratif, mais équivaut à "sentiment" dans
le langage d'aujourd'hui] très juste que vous avez avec Nous des grandes
obligations dont cette Église naissante est redevable à cette sainte Compagnie,
pour le zèle et les soins continuels avec lesquels elle y a travaillé depuis
quarante ans et continue de faire encore aujourd'hui.
La grande bénédiction qu'il a plu à Notre-Seigneur de donner à ses
travaux nous sert d'un puissant motif pour nous porter autant qu'il est en notre pouvoir de conserver toujours une
liaison très étroite et intime union avec les religieux missionnaires de cette
Compagnie, afin que n'ayant tous qu’un même cœur et un même esprit, il plaise à
Notre-Seigneur Jésus Christ, le souverain Pasteur des âmes, vous rendre tous
participants des mêmes grâces et bénédictions.
C'est ce que Nous le supplions très humblement de vous accorder par ses
mérites, par l’intercession de sa très sainte Mère, du bienheureux saint
Joseph, patron spécial de cette Église naissante, de tous les saints Anges
tutélaires, des âmes qui sont sous notre charge et de tous les saints
protecteurs de tout ce Christianisme.
Donné à Québec, ce quinzième de septembre mil six cent soixante-huit.
François, évêque de Pétrée.
Altera nova positio pp. 212-214
Instruction
pour nos bien-aimés en Notre-Seigneur Claude Trouvé et François de Salagnac, prêtres,
allant en mission aux Iroquois situés en la côte du nord du lac Ontario 1668
1- Qu'ils se persuadent bien qu'étant envoyés pour
travailler à la conversion des infidèles, ils ont l'emploi le plus important
qui soit dans l'Église; ce qui les doit obliger, pour se rendre dignes
instruments de Dieu, à se perfectionner dans toutes les vertus propres d’un
missionnaire apostolique, méditant souvent à l'imitation de saint François
Xavier, le patron et l'idée des missionnaires, ces paroles de 1'Évangile: «Quid
prodest homini si universum mundum lucretur, anima vero sua detrimentum
patiatur».
2- Qu'ils tâchent d'éviter deux extrémités qui sont à craindre en ceux
qui s'appliquent à la conversion des âmes; de trop espérer ou de trop
désespérer.
Ceux qui espèrent trop, sont souvent les premiers à désespérer de tout
à la vue des grandes difficultés qui se trouvent dans l'entreprise de la
conversion des infidèles, qui est plutôt l'ouvrage de Dieu que de l'industrie
des hommes.
Qu'ils se souviennent que la semence de la parole de Dieu fructum
affert in patientia.
Ceux qui n'ont pas cette patience sont en danger, après avoir jeté
beaucoup de feu au commencement, de perdre enfin courage et de quitter
l'entreprise.
3- La langue est nécessaire pour agir avec les
sauvages; c'est toutefois une des moindres parties d'un bon missionnaire, de
même que dans la France, de bien parler français n'est pas ce qui fait prêcher
avec fruit.
4- Les talents qui font les bons missionnaires, sont:
1° Être rempli de l'esprit de Dieu.
Cet esprit doit animer nos paroles et nos coeurs. Ex abundantia cordis os loquitur.
2° Avoir une grande
prudence pour le choix et l'ordre des choses qu’il faut faire, soit pour
éclairer l'entendement, soit pour fléchir 1a volonté; tout ce qui ne porte
point là sont paroles perdues.
3° Avoir une
grande application pour ne perdre pas les moments de salut des âmes et
suppléer à la négligence qui souvent se
glisse dans les catéchumènes; car comme le diable de son côté venit tamquam leo
rugiens, quaerens quem devoret, ainsi faut-il que nous soyons vigilants contre
ses efforts avec soin douceur et amour.
4° N’avoir
rien dans notre vie et dans nos mœurs qui paraisse démentir ce que nous disons
ou qui mette de l’indisposition dans les esprits et dans les coeurs de ceux
qu’on veut gagner à Dieu.
5° Il faut
se faire aimer par sa douceur, sa patience et sa charité et se gagner les
esprits et les coeurs pour les gagner à Dieu; souvent une parole d'aigreur, une
impatience, un visage rebutant, détruiront en un moment ce que l’on avait fait
en un long temps.
6° L'esprit
de Dieu demande un cœur paisible, recueilli et non pas un cœur inquiet et
dissipé.
Il faut un
visage joyeux et modeste, il faut éviter les railleries et les ris déréglés et
généralement tout ce qui est contraire à une sainte et joyeuse modestie. Modestia vestra nota sit omnibus hominibus.
5- Leur application principale dans l'état présent où
ils se trouvent sera de ne laisser mourir autant qu'il sera possible aucun
sauvage sans baptême.
Qu'ils prennent garde néanmoins d'agir toujours avec
prudence et réserve dans les occasions à l'égard des baptêmes des adultes et
même des enfants hors des dangers de
mort.
6- Dans le doute qu'un adulte aura été autrefois
baptisé, qu'ils le baptisent sous condition, et pour assurer davantage son
salut, qu'ils lui fassent faire en outre une confession générale de toute sa
vie, l'instruisant auparavant des moyens de la bien faire.
7- Qu'ils aient un grand soin de marquer par écrit les
noms des baptisés, des pères et mères et même de quelques autres parents, le
jour, le mois et l'année du baptême.
8- Dans les
occasions, qu'ils écrivent aux Pères Jésuites qui sont employés dans les
missions iroquoises pour la résolution de leurs doutes et pour recevoir de leur
longue expérience les lumières nécessaires pour leur conduite.
9- Ils auront
aussi un grand soin de Nous informer par toutes les voies qui se présenteront,
de l'état de leur mission et du progrès qu'ils feront dans la conversion des
âmes.
10- Qu'ils lisent souvent ces avis et les autres
mémoires des instructions que Nous leur avons données pour s'en rafraîchir la
mémoire et les bien observer, se persuadant bien que de là dépend 1’heureux
succès de leur mission.
François,
évêque de Pétrée
Altera nova positio pp. 214-216
Extraits de
la lettre à Monsieur Henri Tremblay, procureur du Séminaire de Québec
concernant la fondation d'une mission auprès de la tribu des Akansas, 1699.
J'ai reçu, Monsieur,
la lettre que vous m'avez fait la grâce de m'écrire. Quand bien [même] les
missionnaires qui sont partis l'an passé du Séminaire de Québec pour les
missions de Mississippi auraient différé leur départ à cette année, ils
n'auraient rien avancé au regard de la langue, toutes ces nations ayant des
langues fort différentes qui ne peuvent s'apprendre que sur les lieux même.
Mais
quelques autres raisons auraient pu porter le Séminaire au délai d'une année,
qui lui aurait donné le temps d'en pouvoir donner avis à celui de Paris avant
l'exécution de ce dessein, quoique d'ailleurs il fût assez persuadé, suivant ce
qu'il lui avait toujours témoigné, que tout son désir était qu'il s'employât
autant qu'il lui serait possible à la conversion des sauvages conformément à
sa vocation et à l'esprit et à la grâce de son institut.
Notre-Seigneur
par sa bonté et miséricorde et par la protection particulière de sa sainte
Mère a donné beaucoup de bénédiction à l'envoi de ces missionnaires, qui ont
été dans les nations les plus éloignées et y ont établi deux missions
considérables, qui se trouvent par la Providence toutes proches des lieux
auxquels M. d'Iberville s'est transporté dans le Mississipi.
Et ils nous
marquent que ce sont des peuples fort doux et dociles et autant bien disposés
pour la Foi que l'on puisse le désirer, dont ils ont eu des marques ne faisant
que d'arriver à la mort du chef principal d'une de ces nations, auquel ayant
conféré le saint Baptême, après l'avoir instruit par interprète, il mourut peu
de temps après dans des sentiments aussi chrétiens que s'il avait eu plusieurs
années de christianisme.
Une seule
chose m'a extrêmement contristé, qui est la peine que les Pères Jésuites ont
paru avoir au sujet de l'établissement que M. de Montigny (comme ayant la
conduite de cette mission) a fait à la nation des Tamarois, sur lequel vous
serez informé et ne vous toucherai ici que ce qui est de principal.
Le Séminaire ayant résolu de commencer par les nations
les plus éloignées et abandonnées à travailler au salut et à la conversion de
ces pauvres peuples, il jugea bien qu'il n'était pas possible d'exécuter ce
dessein, s'il n'avait un établissement plus proche, qui lui pût servir pour
avoir une correspondance facile tant à Québec qu'avec les missionnaires qui
seraient dispersés dans les dites nations éloignées.
L'on s'informa des personnes les plus intelligentes et
qui ont la connaissance de tous ces pays-là, quel lieu l'on pourrait prendre à
cet effet, et le sentiment commun fut que le plus commode et l'unique même qui
fût propre pour cet établissement, était la nation des Tamarois à raison de sa
situation sur le bord du fleuve Mississipi, qu'elle n'était point des missions
des Pères Jésuites et qu'elle était éloignée de quatre-vingt-dix lieues du dernier
de leur établissement.
Nous jugeâmes à propos, outre toutes ces
connaissances, nous devoir informer de la chose des Pères Jésuites même et les
envoyai prier que je pusse les voir. Le Père Germain, qui tenait la place du
supérieur en son absence, me vint trouver et lui ayant demandé si les Tamarois
étaient de leurs missions et s'ils y étaient établis, il répondit qu'ils
n'étaient point de leurs missions et qu'ils n'y avaient point d'établissement.
Les missionnaires, qui étaient pour lors sur leur départ, qui fut deux jours
après, prirent de Mgr de Québec des lettres du dit lieu des Tamarois, auquel
étant arrivés, ils furent priés et fort pressés par les sauvages d'y demeurer,
et leur firent présent de deux esclaves pour les obliger à s'y établir pour les
instruire la prière.
Mais ayant dessein d'aller auparavant jusqu'aux
nations plus éloignées, afin de pouvoir mieux juger de la nécessité qu'il y
avait de faire un établissement à la dite nation des Tamarois; ils passèrent
outre et allèrent jusqu'aux nations auxquelles ils ont jugé, étant
considérables, devoir y établir deux missions, auxquelles il réside deux missionnaires,
et y ont fait construire par des artisans, qu'ils y avaient menés exprès, en
chaque mission une église et une maison pour le missionnaire, et ils
reconnurent pour lors, tant à cause du grand éloignement que par plusieurs
autres considérations, qu'il était absolument nécessaire de faire le dit
établissement des Tamarois, sans lequel ils virent manifestement qu'il serait
impossible de soutenir les missions éloignées et de pourvoir aux besoins des
missionnaires qui y seraient employés. Ce qui leur fit prendre la résolution de
remonter jusqu'au dit lieu des Tamarois, auquel M. de Montigny y établit un
missionnaire et y firent construire en même temps une église et une maison,
comme ils avaient fait aux deux autres lieux de leurs missions.
Vous pouvez bien voir que
dans le procédé que nous avons tenu, que nous n'avons rien omis de notre côté
pour faire connaître aux Pères Jésuites l'estime et l'affection que nous avons
pour toutes leurs missions et le désir de conserver avec eux l'union dans
laquelle nous avons toujours vécu jusqu'à présent.
J'aurais de la peine à
croire ce que quelques-uns ont dit, que M. de Montigny avait donné parole que
l'on ne ferait point d’établissement aux Tamarois, et il a mandé au contraire
que l'on pouvait bien juger qu'il n’aurait garde de s'engager à cela, puisque
l'on avait eu des lettres de Mgr de Québec pour s'y établir, mais qu'il est
vrai qu'il avait donné parole que, conformément aux sentiments dans lequel
était le Séminaire, l'on ne ferait point d'établissement en aucun lieu où les
Pères Jésuites seraient établis, et qu'étant arrivés au dit lieu des Tamarois,
ils ont été confirmés par tous ceux qui sont en ce pays-là, tant sauvages que
Français, et par M. de Tonty même, qui a sa seigneurie des Illinois et qui y
fait sa demeure, qu'ils n'y ont point d'établissement ni aucune résidence; que
depuis qu'ils sont établis aux Illinois, il y a approchant de vingt ans, ils
n'y ont été qu'une seule fois, et celui qui y fut n'y demeura pas une semaine
entière et qu'ils ont pris seulement occasion, lorsqu'ils sont venus au fort
des Illinois, d'en instruire et baptiser quelques-uns.
C’est ce que contient une
lettre que mon dît sieur de Tonty écrit à Mgr de Québec.
Le Père Supérieur est
venu ces derniers jours me donner avis que le P. de Careil lui écrit de sa
mission que M. de Tonty doit faire bâtir une église au fort des Illinois pour M.
de Montigny, c'est-à-dire pour les missionnaires dont il a la conduite, qui
est un lieu où il m'a dit que quelques-uns de leurs Pères ont demeuré.
Sur quoi je l'ai assuré
qu'il ne doit pas croire que le Séminaire puisse avoir la moindre pensée de s'établir
ni les troubler dans aucun lieu où ils auront résidé, et si M. de Montigny a
ce dessein, il use à notre endroit d'une grande dissimulation, nous ayant écrit
que quoique les missionnaires ne se puissent absolument passer de
l'établissement fait à la nation des Tamarois, que l'on ne s'attende pas
cependant qu'il y puisse demeurer, y ayant de la peine, à moins que l'on ne le
juge absolument nécessaire, et qu'il croit qu'il fera du bien à la nation des
Natchez et Taensas, où il a établi sa résidence.
Il est vrai que les
missions qu'il a établies accompagné des missionnaires du Séminaire de Québec
ont été faites au nom du dit Séminaire. Mais s'il voyait qu'il y eût la moindre
apparence qu'il voulût traverser les missions des Pères Jésuites, comme celle
du fort des Illinois (ce qu'il n'y a aucun bon fondement de croire), il n'en
trouverait aucun qui entrât dans ses sentiments, le Séminaire n'ayant en vue
que de travailler et procurer autant qu'il y est obligé par sa vocation le
salut des pauvres sauvages en esprit d'union avec leurs missionnaires et de ne
porter aucun préjudice à leurs missions, auxquelles nous savons qu'ils
travaillent avec toute sorte de bénédictions.
Nous ne saurions à la
vérité nous persuader qu'ils aient un juste et véritable sujet d'avoir de la
peine que les missionnaires du Séminaire se soient établis aux Tamarois,
lesquels n'étant point mêlés dans les missions qu'ils occupent, ne peuvent leur
porter aucun préjudice dans l'éloignement au moins de quatre-vingt-dix lieues,
et quoiqu'ils parlent la même langue que les Illinois, où les Pères Jésuites
sont établis, [ce] qui leur donne occasion de se fréquenter les uns les
autres, il ne s'en peut suivre aucun inconvénient au regard de l'union entre
les missionnaires de l'un et de l'autre corps, comme l'expérience le fait voir
à l'Acadie, où les missionnaires du Séminaire, tant ceux qui y sont morts que
ceux qui y sont à présent, ont toujours vécu avec les Pères Jésuites qui y sont
employés aux sauvages, dans une aussi grande union que s'ils étaient du même
corps, et je puis dire en quelque manière plus grande.
Le Père Supérieur m'ayant
dit confidemment qu'il a été obligé depuis quelques mois de retirer de la dite
mission le P. Rasle, lequel (quoique bon religieux) ayant des principes et des
manières différentes dans la conduite des sauvages, ne pouvait pas s'accommoder
avec le P. Bigot, les dits sauvages néanmoins, tant les uns que les autres,
sont tous Abénaquis, parlent une même langue, se fréquentent les uns les
autres, contractent les alliances réciproques, et sont bien plus proches les
uns des autres que ne sont pas les Tamarois des Illinois.
Ce n'est point, par la
miséricorde de Notre-Seigneur; l'esprit de jalousie et d'ambition qui a porté
le Séminaire à faire cet établissement et à le vouloir conserver, ni même le
droit qu'il peut justement y prétendre, qu'il sacrifierait de bon cœur pour le
bien de la paix et union, mais uniquement la nécessité indispensable qu'il a de
ce lieu pour le soutien des missions qu'il a entreprises, lesquelles, sans cet
établissement, ne pourraient pas subsister, dont les Pères Jésuites conviennent
avec nous.
Et, en conséquence de
cette nécessité, qui leur est autant connue qu'au Séminaire même, ils ont
proposé que les missionnaires de part et d'autre demeurent dans le même lieu;
mais il est assuré que deux corps différents et indépendants ne peuvent pas
subsister ensemble sans altérer l'union et la bonne intelligence qui doit être
entre ouvriers de l'Évangile.
L'on ne voit pas
d'ailleurs que les Pères Jésuites puissent avoir aucun besoin de ce lieu, en
ayant tant d'autres dans l'espace de plus de trois cents lieues depuis
Michilimakinac jusqu'aux Illinois; et le Séminaire n'ayant que la seule mission
des Tamarois, où un supérieur des missions puisse avoir sa résidence et donner
un moyen aux missionnaires d'y aller et d'y avoir la correspondance qu'il
jugera nécessaire pour le soutient des missions, et pourvoir de ce lieu à tous
les besoins spirituels et temporels, je ne puis me persuader qu'après y avoir
fait réflexion qu'ils voulussent porter un si notable préjudice à une œuvre à
laquelle il nous semble qu'ils doivent prendre le même intérêt que le
Séminaire.
Ils savent qu'il y a cinq
ou six ans que Monseigneur voulant d'une autorité absolue les empêcher de
retourner à la mission des Abénaquis, où ils avaient demeuré et que M. Thury,
très bon missionnaire (que Notre-Seigneur a appelé cette année à lui), avec
d'autres ecclésiastiques du Séminaire y allassent à leur place, le Séminaire
n'ayant aucune vue de ses intérêts particuliers et ne regardant en cela que la
gloire de Dieu et le salut des âmes, bien loin de tirer l'avantage qu'il
pouvait de cette occasion et d'ambitionner de s'établir dans cette mission, lui
déclara qu'il était tout prêt d'y envoyer M. Thury, pourvu que le P. Bigot y
retournât; à quoi, continuant de s'opposer, on fut obligé d'en venir à quelque
extrémité pour trouver les moyens de procurer leur rétablissement en cette
mission, où ils ont toujours demeuré depuis et qui est une de leurs plus belles
missions, et le Séminaire pour conserver 1’union serait disposé d'en faire
encore autant, si une occasion semblable se présentait.
Jugez, Monsieur, si dans
l'entreprise que le Séminaire a faite des missions du Mississipi et la
nécessité indispensable qu'il a reconnue (après s'être informé) qu'il avait
pour l'exécution de ce dessein, de faire un établissement à la nation des
Tamarois, il m'a été possible de donner aux Pères Jésuites de plus grandes
marques du désir que nous avons de conserver l'union que d'avoir voulu être
assuré par eux-mêmes que ce lieu n'était point de leurs missions et qu'il n’y
avait aucun établissement, et ce qu'ils allèguent que le P. Germain ne le
connaissait pas, ne se peut croire, étant une personne aussi sage et prudente
qu'il est et nous l'ayant dit aussi positivement qu'il fit, et d'ailleurs le P.
Bruyas et plusieurs autres de leurs Pères, qui ne pouvaient ignorer ce que le
P. Germain, qui tenait la place du supérieur en son absence, nous avait dit,
et qui avait une parfaite connaissance de ce qui regardait les Tamarois,
n'auraient pas manqué de nous informer du contraire et n'auraient pas attendu à
le faire, après que toutes choses ont été disposées pour les missions que l'on
a établies par rapport à l'établissement qui a été fait à la nation des
Tamarois, si en effet elle avait été de leurs missions.
François,
évêque de Québec
Altera nova positio pp. 609-616
Écrits
pastoraux
Décret qui institue la Confrérie de la Sainte Famille, 14 mars 1665.
Nous François, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège, évêque de
Pétrée, Vicaire Apostolique en la Nouvelle-France, nommé par le Roi premier
Évêque du dit pays, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut en
Notre-Seigneur.
Ayant plu à la divine Providence Nous charger de la conduite de cette
nouvelle Église, Nous sommes obligé de veiller sans cesse au salut des âmes
qu'elle a confiées à nos soins; ce qui nous aurait fait chercher des moyens
pour inspirer une véritable et solide piété à toutes les familles chrétiennes,
à quoi Nous désirons travailler avec d'autant plus de fidélité que Nous savons
qu'elles doivent, selon les desseins de Dieu, servir à la conversion des
infidèles de ce pays par l'exemple d'une vie irréprochable. Dans cette vue, Nous
n'avons pas estimé pouvoir faire choix d'un moyen plus efficace et plus solide
pour le salut et la sanctification de toute sorte de personnes, que de leur
imprimer vivement dans le cœur un amour véritable et une dévotion spéciale tant
envers la très sainte et très sacrée Famille de Jésus, Marie et Joseph qu'à
l'égard de tous les saints Anges.
Il semble que Dieu ait pris plaisir à rendre lui-même cette dévotion
recommandable en plusieurs villes d'Europe, dans ces dernières années, par
quelques événements qui tiennent quelque chose du miracle, pendant qu'il
donnait en Canada de très fortes inspirations à beaucoup de bonnes âmes de se
dévouer au culte de cette sainte Famille et de Nous prier instamment, pour
rendre la chose plus stable et plus utile, d'établir dans Québec et autres
lieux de notre juridiction quelques assemblées de femmes et de filles, où on
les instruirait plus en détail des choses qu'elles sont obligées de savoir pour
vivre saintement dans leur condition, à l'exemple de la sainte Famille qu'elles
se proposent pour modèle avec les saints Anges.
Nous, à ces causes, pour procurer la plus grande gloire de Dieu et le
plus grand bien des âmes, et spécialement pour le grand désir que nous avons de
graver et accroître, autant qu'il est en notre pouvoir, dans les cœurs de tous
les peuples que Dieu, par sa divine providence, a commis à notre conduite,
l'amour et la dévotion envers cette sacrée Famille de Jésus, Marie et Joseph et
les saints Anges, permettons, agréons et approuvons les dites assemblées être
faites à Québec et tous autres lieux de notre juridiction, pour être les dites
assemblées toutes unies à celles de notre principale résidence, sous la
conduite des ecclésiastiques faisant les fonctions curiales ou autres à notre
choix, lesquels Nous exhortons et tous ceux qui sont appliqués aux saints
ministères, d'inspirer et augmenter, autant qu'il sera en eux, l'amour et la
dévotion envers la dite sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph et des saints
Anges, comme étant une source inépuisable de grâces et de bénédictions pour
toutes les âmes qui y auront une sincère confiance, et de contribuer de tout
leur pouvoir à l'établissement, progrès et perfection des dites assemblées.
Et afin de rendre cette association plus permanente et plus solide,
nous avons bien voulu Nous-même dresser les règlements que Nous voulons y être
observés, sans qu'il soit permis à qui que ce soit d'y rien ajouter, retrancher
ou changer sans notre permission.
Donné à Québec en notre demeure ordinaire, sous notre sceau et seing de
notre secrétaire, le quatorzième de mars mil six cent soixante et cinq.
Altera nova positio pp. 224-225
Extrait des règlements de la Confrérie
des femmes établie en l'église de Notre-Dame de Québec sous le titre de la
sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph et des saints Anges (1665).
CHAPITRE
PREMIER
Du dessein et
de la fin de cette Confrérie
Le dessein et la fin de cette dévotion est d'honorer la sainte Famille
de Jésus, Marie et Joseph et des saints Anges, et de régler les ménages chrétiens
sur l'exemple de cette sainte Famille, qui doit être le modèle de toutes les
autres; de sanctifier les mariages et les familles; d'en exclure le péché,
particulièrement celui de l'impureté, cette peste des mariages, qui est la
source de tant de maux et qui peuple la terre et les enfers d'enfants de Satan
qui blasphémeront toute l'éternité leur Créateur; d'y établir les vertus
chrétiennes, particulièrement la chasteté, l'humilité, la douceur, la charité,
1'union des cœurs, la patience dans les tribulations, et, par ce moyen, de
peupler la terre et le ciel d'enfants de Dieu qui loueront éternellement leur
Père céleste. C'est ce que procureront les bons et saints mariages, suivant ce
que nous enseigne Notre-Seigneur qu’un bon arbre ne peut produire de mauvais
fruits. C'est à cela que doivent tendre et contribuer toutes les âmes dévotes
à la sainte Famille, comme le moyen le plus efficace pour la faire honorer.
CHAPITRE
DEUXIÈME
De 1'esprit
de cette Confrérie
L'esprit de cette Confrérie consiste à imiter les sacrées personnes
qui composent la sainte Famille, chacun selon son état et sa condition.
Les femmes auront un soin particulier d'imiter la
sainte Vierge, qu'elles auront toujours devant les yeux comme le modèle de
leurs actions, et la considéreront comme leur supérieure et la règle de leur
perfection, étant assurées qu'elles seront de la sainte Famille autant qu'elles
imiteront de plus près ses vertus [...]
Cette imitation est tellement essentielle que si elle manquait, l'on ne
serait pas véritablement de la sainte Famille, quoique l'on fît tout le reste;
et au contraire, quand l'on omettrait le reste, pourvu que ce ne fût ni par
mépris ni par négligence, l'on serait encore de cette auguste Famille, et ce
d'autant plus qu'on imiterait de plus près les vertus que l'on y remarque; et
pour rendre cette imitation parfaite, l'on doit considérer dans la personne du
mari celle de saint Joseph, dans celle de la femme la sainte Vierge, dans les
enfants 1'Enfant-Jésus, dans les serviteurs les saints Anges, et chacun se doit
proposer d'imiter principalement la personne qu'il représente pour rendre une
sainte Famille accomplie.
Altera nova positio pp. 226--228
Décret qui institue la fête de la Sainte
Famille dans le diocèse de Québec, 4
novembre 1684.
Les grandes bénédictions qu'il a plu à la divine Majesté de verser sur
cette Église naissante et ce nouveau Christianisme par les mérites de la sainte
Famille de Jésus, Marie et Joseph et les saints Anges, Nous ayant obligé de
condescendre aux pieuses intentions de plusieurs personnes qui nous auraient
humblement supplié de permettre dans tout notre diocèse des assemblées de
femmes et de filles pour y être instruites plus en détail des choses qu'elles
sont obligées de savoir pour vivre saintement dans leur condition, à l'exemple
de cette même sainte Famille qu'elles se proposent pour idée, modèle et exemplaire
avec les saints Anges; et ayant sujet de bénir Dieu de l'heureux succès qu'il a
donné à ces assemblées; désirant d'abondant graver et accroître, autant qu'il
est en notre pouvoir, dans les cœurs que Dieu par sa divine providence a commis
à nos soins et à notre conduite, l'amour et la dévotion envers cette sacrée
Famille Jésus, Marie, Joseph et les saints Anges; vu nos lettres
d'établissement de la dite confrérie et association du 14 mars 1665 et la bulle
de Notre Saint-Père le Pape Alexandre VII, d'heureuse mémoire, contenant les
indulgences accordées à la dite confrérie, donnée à Rome le 28 janvier 1665;
Nous avons ordonné et ordonnons par ces présentes que tous les ans on célébrera
dans toute l'étendue de notre diocèse une fête en l'honneur de cette même
sainte Famille, qui sera de première classe avec octave, ainsi qu’il est
pratiqué depuis plusieurs années.
Et d'autant que la saison extrêmement froide et incommode en laquelle
l'on a célébré jusqu'à présent la dite fête, à savoir au second dimanche
d'après 1'Épiphanie, ayant presque toujours détourné une grande partie des
fidèles de venir à l'église pour la solenniser, les aurait portés à Nous
supplier, comme ils ont fait souvent, qu'il Nous plût la transférer à un autre
temps plus commode, Nous, ayant égard à leur bonne et pieuse demande et
voulant, autant qu'il est en Nous, contribuer à rendre la dévotion à cette fête
plus célèbre et plus fréquentée par les peuples de notre diocèse, Nous avons
pareillement ordonné et ordonnons qu'au lieu du second dimanche d'après
1'Épiphanie auquel Nous avions assigné la célébration de cette fête de la
sainte Famille, elle sera dorénavant célébrée le troisième dimanche d'après
Pâques comme au temps qui Nous a semblé plus propre à exciter les fidèles à la
bien solenniser et faire leurs dévotions; voulons de plus que, jusqu'à ce qu'il
en ait été par Nous autrement ordonné, l'office et la messe de cette même fête
se diront en la manière qu'ils on été approuvés de Nous, enjoignant à tous les
ecclésiastiques de notre diocèse qui disent la messe ou qui sont obligés au
bréviaire, de le réciter et d'inspirer à toutes les personnes qui leur sont
commises, le respect, 1'amour et la vénération qu'elles doivent avoir pour la
plus aimable de toutes les familles et de la protection de laquelle elles
doivent attendre toute sorte de secours et de bénédictions, Dieu ayant même
pris plaisir à rendre cette dévotion recommandable, tant dans 1'ancienne que
dans la nouvelle France, par un grand nombre d'effets miraculeux qui ont été
opérés par son moyen.
Mandons à tous les ecclésiastiques employés aux fonctions curiales
dans notre diocèse qu'aussitôt qu'ils auront reçu notre présent mandement, ils
aient à le publier ou le faire publier au prône.
Donné à Québec, le quatrième jour de novembre mil six cent
quatre-vingt-quatre.
François, évêque de
Québec.
Altera nova positio pp. 229-230
Formule
de vœu qui commença à être fait environ 1'an 1636 et s'est depuis renouvelé
tous les ans par dévotion, sans obligation de le renouveler (renouvelé encore
aujourd'hui le 8 décembre de chaque année par les prêtres du Séminaire de
Québec).
Adorable Jésus, Sauveur du monde,
quoique nos péchés nous doivent éloigner
de votre présence,
si est-ce qu'étant épris d'une affection
de vous honorer et votre très sainte Mère,
et poussés du désir de nous voir dans la
fidèle correspondance que vous désirez de vos serviteurs,
pour vous faire reconnaître et adorer
des peuples de ces pauvres contrées,
nous voici prosternés à vos pieds,
où nous vous promettons et faisons vœu,
comme aussi à la très sainte Vierge,
votre Mère,
de célébrer douze fois ces douze mois
suivants le sacrifice de la sainte messe,
et pour ceux qui ne sont prêtres de
communier et dire le chapelet autant de fois,
et ce à 1’honneur et en action de grâce
de
l'Immaculée Conception de cette sainte Vierge,
votre Mère;
comme aussi de jeûner tous la veille de
cette sienne fête
à la même intention.
Le tout de plus pour obtenir de votre
bonté et miséricorde
par son intercession et par ses mérites
la conservation de ce pays
et la conversion des pauvres sauvages
qui l'habitent.
Recevez donc,
ô sainte et sacrée Reine des Anges et
des hommes,
sous votre sainte protection,
ces peuples désolés et abandonnés que
nous vous présentons
par les mains de votre Époux
et de vos fidèles serviteurs
saint Ignace et saint François Xavier
et de tous les Anges gardiens et protecteurs
de ces lieux,
pour les offrir à votre bien-aimé Fils,
à ce qu'il lui plaise les maintenir
et conserver contre leurs ennemis,
donner la connaissance de son saint Nom
à ceux qui ne l'ont pas encore,
et à tous la persévérance
en sa sainte grâce et son saint amour.
Ainsi soit-il.
François, évêque
de Pétrée.
Altera nova positio pp. 218-219
Lettres
patentes établissant le Séminaire et le clergé (25 mars 1663)
FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège,
Évêque de Pétrée, Vicaire-Apostolique en Canada dit la Nouvelle-France, nommé
par le Roi premier Évêque du dit pays, lorsqu'il aura plu à N. S. P. le Pape y
ériger un Évêché.
A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Salut.
Les Saints Conciles et ceux de Trente particulièrement, pour remettre efficacement la Discipline
Ecclésiastique dans sa première vigueur, n'ont rien trouvé de plus utile que
d'ordonner le rétablissement de 1'usage ancien des Séminaires, où l'on instruit
les clercs dans les vertus et les sciences convenables à leur état.
L'excellence de ce décret s'est fait voir par une
expérience toute sensible, puisque le grand St
Charles de Boromée qui l'exécuta
le premier, bientôt après ce Concile, et plusieurs Évêques qui ont suivi son
exemple, ont commencé de redonner au Clergé sa première splendeur,
particulièrement en France;
Ce moyen si efficace pour réformer la conduite
ecclésiastique dans les lieux ou elle s'était affaiblie, nous a fait juger
qu'il ne serait pas moins utile pour l'introduire où elle n'est pas encore,
qu'il l'a été dans les premiers siècles du Christianisme; à ces causes,
considérant qu'il a plû à la Divine Providence nous charger de l'Église
naissante du Canada dit la Nouvelle-France;
Et qu'il est d'une extrême importance dans ses
commencements de donner au Clergé la meilleure forme qui se pourra pour
perfectionner des ouvriers, et les rendre capables de cultiver cette nouvelle
vigne du Seigneur, en vertu de l'autorité qui nous a été commise, nous avons
érigé et érigeons dès à présent, et à perpétuité, un Séminaire pour servir de
Clergé à cette nouvelle Église, qui sera conduit et gouverné par les supérieurs
que nous ou les Successeurs Évêques de la Nouvelle-France y établiront, en
suivant les règlements que nous dresserons à cet effet;
Dans lequel on élèvera et formera les jeunes Clercs
qui paraîtront propres au service de Dieu, et auxquels, à cette fin, on enseignera
la manière de bien administrer les sacrements, la méthode de catéchiser et
prêcher apostoliquement, la Théologie morale, les cérémonies, le
plain-chant grégorien, et autres choses appartenantes au devoir d'un bon
Ecclésiastique;
Et en outre afin que l'on puisse, dans le dit
Séminaire et Clergé, former un Chapitre qui soit composé d'Ecclésiastiques du
dit Séminaire, choisis par nous, et les Évêques du dit pays qui succéderont,
lorsque le roi aura eu la bonté de le fonder; ou que le dit Séminaire de soi,
aura le moyen de fournir cet établissement par la bénédiction que Dieu y aura
donnée, nous désirons que ce soit une continuelle École de vertu et un lieu de
réserve d'où nous puissions tirer des sujets pieux et capables pour les envoyer
à toutes rencontres, et au besoin dans les paroisses, et tous autres lieux du
dit Pays, afin d'y faire les fonctions curiales, et autres, auxquels ils auront
été destinés, et les retirer des mêmes paroisses et fonctions quand on le
jugera à propos, nous réservant pour toujours et aux successeurs Évêques du dit
pays comme aussi au dit Séminaire par nos ordres, et des dits Sieurs Évêques,
le pouvoir de révoquer tous les Ecclésiastiques qui seront départis et
délégués dans les paroisses et autres lieux toutes fois et quantes qu'il sera
jugé nécessaire, sans qu'aucun puisse être titulaire, et attaché
particulièrement à une Paroisse, voulant au contraire qu'ils soient de plein
droit, amovibles, révocables et destituables à la volonté des
Évêques et du Séminaire par leurs ordres, conformément à la sainte pratique des
premiers siècles, suivie et conservée encore à présent en plusieurs
Diocèses de ce Royaume;
Et d'autant qu'il est absolument nécessaire de
pourvoir le dit Séminaire et Clergé d'un revenu capable de soutenir les charges
et les dépenses qu'il sera obligé de faire, nous lui avons appliqué et
appliquons, affecté et affectons dès à présent et pour toujours
toutes les Dixmes de quelque nature qu'elles soient, et en la manière qu'elles
seront levées dans toutes les Paroisses et lieux du dit pays pour être
possédées en commun et administrées par le dit Séminaire suivant nos ordres et
sous notre autorité, et des Successeurs Évêques du pays, à condition qu'il
fournira la subsistance à tous les Ecclésiastiques qui seront délégués dans les
paroisses et autres endroits du dit Pays, et qui seront toujours amovibles, et
révocables au gré des dits Évêques et Séminaire par leurs ordres; qu'il
entretiendra tous les dits Ouvriers évangéliques, tant en santé qu'en maladie,
soit dans leurs fonctions soit dans la Communauté, lorsqu'ils y seront
rappelés;
Qu'il fera les frais de leurs voyages, quand on en
tirera de France, ou qu'ils y retourneront, et toutes ces choses suivant la
taxe qui sera faite par nous et les Successeurs Évêques du dit Pays, pour
obvier aux contestations et aux désordres que le manque de règles y pourrait
mettre;
Et comme il est nécessaire de bâtir plusieurs Églises
pour faire le service divin, et pour la commodité des fidèles, nous ordonnons, sans
préjudice néanmoins de l'obligation que les peuples de chaque paroisse ont de
fournir à la bâtisse des dites Églises, qu'après que le dit Séminaire aura
fourni toutes les dépenses annuelles, ce qui pourra rester de son revenu, sera
employé à la construction des Églises, en aumônes et en autres bonnes œuvres
pour la gloire de Dieu et pour l'utilité de l'Église, selon les ordres de
l'Évêque, sans que toutefois, nous ni les successeurs Évêques du dit pays, en
puissions jamais appliquer quoique ce soit à nos usages particuliers, nous
ôtant même et aux dits Évêques la faculté de pouvoir aliéner aucun fonds du dit
Séminaire en cas de nécessité, sans l'exprès consentement de quatre personnes
du corps du dit Séminaire et clergé, savoir le Supérieur, ses deux Assistants
et le Procureur.
En foi de quoi nous avons signé ces présentes et y
avons fait apposer notre sceau.
Donné à Paris, le vingt-six mars, mil six cent
soixante-et-trois.
FRANÇOIS,
Évêque de Pétrée.
Mandements pp. 44-46
Établissement de la congrégation des filles séculières
de Notre Dame à Montréal ( fondées par
Marguerite Bourgeoys), 1676
FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège,
premier Évêque de Québec.
A tous fidèles de la Nouvelle-France, Salut en Notre
Seigneur.
Notre très chère fille Marguerite Bourgeois et les
filles qui se sont unies avec elle vivant en communauté dans l'Île de Montréal,
nous ayant représenté qu'elles se seraient employées gratuitement depuis
plusieurs années sous notre bon p1aisir, à faire les fonctions de maîtresses
d'école en ladite Île de Montréal et autres lieux, élevant les petites filles
dans la crainte de Dieu et l'exercice des vertus chrétiennes, leur apprenant à
lire et à écrire, et les autres travaux dont elles sont capables;
Qu'en conséquence de notre permission en date du 20
mai 1669, elles auraient obtenu des lettres d'établissement de Sa Majesté en
date du mois de mai 1671, vérifiées au Parlement de Paris, registrées au
Conseil Souverain de ce pays, et au greffe du Bailliage de la dite Île de
Montréal;
Qu'elles seraient suffisamment bâties, et qu'elles
peuvent subsister des métairies et du revenu qu'elles possèdent et du travail
de leurs mains sans être à charge à personne;
Qu'elles s'offrent pour faire gratuitement les fonctions
de maîtresses d'école tant dans l'Île de Montréal qu'aux autres lieux qui
seront disposés pour cet effet, et qui pourront fournir à la subsistance et
entretien d'une maîtresse d'école, où nous et nos successeurs jugeront
nécessaires pour le bien de cette Église;
Que pour rendre leur établissement ferme et stable il
nous plût l'approuver et confirmer, leur permettant de continuer les dites
fonctions de maîtresses d'école, vivant en communauté en qualité de Filles Séculières
de la Congrégation de Notre Dame, et dans l'observance des règlements qu'il
nous plaira et à nos successeurs leur prescrire.
Nous, après avoir mûrement considéré toutes choses et
sachant qu'un des plus grands biens que nous puissions procurer à notre Église,
et que le moyen le plus efficace pour conserver et augmenter la piété dans les
familles chrétiennes, est l'instruction et la bonne éducation des enfants,
connaissant d'ailleurs la bénédiction que Notre-Seigneur a donnée jusqu'à
présent à la dite Sœur Bourgeois et à ses compagnes dans les dites fonctions
des petites écoles, où nous les aurions employées; et voulant favoriser leur
zèle et contribuer de tout notre pouvoir à leur pieux dessein;
Nous avons agréé et agréons l'établissement de la dite
Bourgeois et des filles qui se sont unies avec elle ou qui y seront admises à
l'avenir, leur permettant de vivre en communauté en qualité de Filles
Sécu1ières de la Congrégation de Notre Darne, observant les règlements que nous
leur prescrivons ci-après, et de continuer leurs fonctions de maîtresses
d'école tant dans l'Île de Montréal qu'aux autres lieux où nous et nos
successeurs jugeront à propos de les envoyer, sans qu'elles puissent néanmoins
à l'avenir prétendre de passer à l'état de la vie religieuse, ce qui serait
contre nos intentions et la fin que nous nous sommes proposés de subvenir par
ce moyen à l'instruction des enfants dans les paroisses de la campagne,
conformément aux lettres patentes à elle accordées par Sa Majesté.
Donné à Québec sous notre sceau et seing et de notre
secrétaire le six d'août mil six cent soixante et seize.
FRANÇOIS,
Évêque de Québec.
Mandements
pp. 99-100
L'abandon à Dieu à travers vents et
tempêtes: "Nous n'avons qu'à lui être fidèles et le laisser faire."
Lettre au
directeurs du Séminaire de Québec, 18
mars 1687.
À Paris, ce 18 mars 1687.
M. Dudouyt vous donnera avis de tout ce qui s'est passé depuis le
retour de M. de Saint-Valier, qui ne pourra avoir ses bulles cette année et par
conséquent repasser en Canada; et moi, conformément aux sentiments que
Notre-Seigneur me fait la miséricorde de me continuer, j'y retourne comme au
lieu où mon coeur est inséparablement attaché, en sorte que quand je serais
assuré de mourir sur la mer, je m'embarquerais pour n'être pas privé au moins
de la consolation de mourir dans l'accomplissement du bon plaisir de
Notre-Seigneur, dans lequel doit consister notre bonheur pour le temps et
l'éternité.
Je ne vous remémorerai pas notre bon M. Guyon, puisque ce bon plaisir en a disposé et nous
l'a enlevé. Le 10 de janvier dernier, il a fait une mort fort chrétienne et a
reçu en ce passage une protection toute extraordinaire de la sainte Vierge. Si
la providence de Dieu me conserve jusqu'à Québec, je vous en dirai les
particularités. Je lui ai administré les derniers sacrements et ne l'ai point
abandonné jusqu'à la mort, comme il m'en avait bien prié. M. Dudouyt n'a manqué
en rien des devoirs de charité qu'il lui devait. Ne manquons pas, je vous en
prie, ceux que nous lui devons en l'autre vie. Je l'ai fait avec soin
jusqu'ici, et continuerai. Notre-Seigneur nous fait connaître dans cette privation
que ses desseins et ses pensées sont bien autres que celles que nous pouvons
avoir. Ce sont des conduites de grâce et de miséricorde de nous priver des
choses que nous estimons les plus nécessaires. J'en ai fait le sacrifice de bon
coeur, et, comme je reconnais bien que l'attache que j'y avais était beaucoup
appuyé sur l'humain, j'ai adoré en cela la bonté et la miséricorde de Notre-Seigneur
de me l'avoir voulu ôter. Priez et faites bien prier Dieu pour lui, et le
bénissons de nous avoir privés des grands secours qu'il s'était rendu capable
de donner à l'église de Canada en toute manière. Dominus dedit, Dominus
abstulit; sit nomen Domini benedictum...
Je ne vous saurais encore dire déterminément les
ecclésiastiques que la Providence de Dieu nous donnera pour passer avec nous.
Je passerai cependant dans le premier navire tant soit peu commode qui partira,
à la réserve de ceux qui portent des soldats, où sans doute je serais trop
incommodé. L'on nous écrit de La Rochelle que deux petits vaisseaux, l'un de
trente-cinq tonneaux et l'autre de soixante ou soixante-dix tonneaux, partent
dans ce mois-ci. Hors cela l'on ne voit pas de vaisseaux raisonnables qui se
disposent plus tôt qu'à l'ordinaire, c'est-à-dire vers la Saint-Jean, à la
réserve de celui qu'on nomme la Diligente,
dans lequel étaient MM. de Denonville et de Saint-Valier allant en Canada,
que le Roi a accordé à la Compagnie de la pêche sédentaire de l'Acadie lequel
l'on dit qui doit partir à la mi-mai et ne doit demeurer que deux ou trois
jours à leur pêche que l'on appelle Cliedabouctou, proche Canceau, dans lequel
je m'embarquerai, Si cela est, parce que l'on croit qu'il arrivera plus de six
semaines à Québec plus tôt que les autres.
[...] M. Dudouyt
vous écrit touchant l'état du temporel, qui est très fâcheux. Et comme Mgr de
[Saint-Valier] n'a voulu en aucune manière entrer en connaissance ni
participation des dettes, se disculpant de tout et remettant entièrement
l'engagement sur le Séminaire, faisant voir, à ce qu'il se persuade, qu'il n'a
plus mis qu'il n'a été cause de dépense, et quoi que nous ayons pu apporter de
raisons et de sujets, que je lui aurais pu vérifier par ses lettres et les
vôtres, il est demeuré au resté en disant que c est vous autres qui avez voulu
la séparation de biens, soit en premier lieu par le partage et destination des
fonds et réserves pour chaque jour (?), soit d'une autre dernière manière. Bref
il a pris toutes les conclusions et les résolutions pour une séparation de
biens, laquelle nous ne lui avons pas témoigné la moindre peine, lui taisant
assez connaître que l'esprit de grâce ne le fit entrer dans l'esprit de
désappropriation et de pauvreté, dans lequel il m'avait paru, mon sentiment
n'était pas de le retenir par des raisons humaines. Nous vous dirons tout de
vive voix, Si Notre-Seigneur nous fait la miséricorde d'arriver.
Cependant vous verrez assez, sans que je vous
l'écrive, que l'on ne peut être plus embarrassé que nous le sommes en nous
chargeant de la dette de M. de la Chesnaye, qui était tout ce que pouvait
devoir le Séminaire, à la réserve de quelques dettes que 1'on aurait pu
acquitter à la suite commodément dans le pays. Je croyais que nous fussions
entièrement en liberté, et nous voilà retombés dans un état encore plus mauvais
qu'auparavant, que d'être acquittés de M. Guenet, auquel on doit encore dix
mil1e francs. Je vous avoue que vous avez très mal fait d 'avoir tant de
facilité à vous laisser aller à tous les grands projets de dépense de N. de
[Saint-Valier], qui dit que vous avez en autant d'ardeur pour vous y porter
qu'il en a eu de sa part, outre tous les autres argents qui regardent les biens
du Séminaire, auxquels il dit qu'il n'a aucune part. L'on va tomber dans de
grandes extrémités, à moins que la Providence de Dieu n'ait des voies bien
extraordinaires pour nous aider, qu'il serait difficile de prévoir, n'en ayant
présentement aucune pour pouvoir sortir de cet abîme de dettes et d'affaires.
M'étant trouvé assez incommodé depuis quinze jours de certains
éblouissements de tête suivis de faiblesses, je me réduis à vous mander
seulement ceci en général, me réservant à vous dire le reste de vive voix...
Priez bien Notre-Seigneur et la très sainte Famille,
et me croyez en son amour tout à vous,
François, évêque de
Québec.
Altera nova positio pp. 397-400
Extraits
d'une lettre aux directeurs du Séminaire de Québec, 9 juin 1687.
Adorons les conduites de Dieu sur nous et sur toutes ses oeuvres, nos
très chers Messieurs. J'espérais et j'avais une confiance entière qu'il me
donnerait la consolation de m'unir à vous de corps comme je le suis de coeur et
d'esprit; mais son aimable providence en dispose tout autrement et selon son
bon plaisir, qui doit être tout notre bonheur et notre paix pour le temps et
l'éternité.
Vous connaîtrez par les copies des lettres actives et
passives que vous trouverez ci-jointes, ce qui n'oblige de rester en
France. Je n'eus pas plus tôt reçu ma
sentence que Notre-Seigneur me fit la grâce de me donner les sentiments d'aller
devant le Très [Saint-] Sacrement lui faire un sacrifice de tous mes désirs et
de ce qui m'est de plus cher en ce inonde. Je commençai en faisant amende
honorable à la justice de Dieu, qui me voulait faire la miséricorde de
reconnaître que c'était par un juste châtiment de mes péchés et infidélités que
la Providence me privait de la bénédiction de retourner dans un lieu où je
l'avais tant offensé, et je lui dis, ce me semble de bon coeur et en esprit
d'humiliation, ce que le grand-prêtre Héli dit lorsque Samuel lui déclara de la
part de Dieu ce qui lui devait arriver: « Dominus est, quod bonum est in oculis
suis faciat ».
Mais comme la bonté de Notre-Seigneur ne rejette point
un coeur contrit et humilié et que humiliat et sublevat, il me fit connaître
que c'était la plus grande grâce qu'il me pouvait faire que de me donner part
aux états qu'il a voulu porter en Sa vie et en sa mort pour notre amour, en
action de grâces de laquelle je dis un Te Deum avec un coeur rempli de joie et
de consolation au fond de l'âme, car pour la partie inférieure, elle est
laissée dans l'amertume qu'elle doit porter.
C'est une blessure et une plaie qui sera difficile à
guérir et qui apparemment durera jusqu'à la mort, à moins qu'il ne plaise à la
divine Providence, qui dispose des coeurs comme il lui plaît, apporter quelque
changement à l'état des affaires. Ce sera quand il lui plaira et comme il lui
plaira, sans que les créatures puissent s'y opposer, n'étant en pouvoir de
faire que ce qu'elle leur permettra. Il est bien juste cependant que nous demeurions
perdus à nous-mêmes et que nous ne vivions que de la vie du pur abandon en tout
ce qui nous regarde au dedans comme au dehors.
[...[
Il faut mettre toute notre
confiance et notre force en Notre-Seigneur, en sa sainte Mère et toute sa
sainte Famille. C'est l'oeuvre de Dieu, et nous avons par sa miséricorde
cherché uniquement sa gloire en ce que nous avons fait ou, pour mieux dire, en
ce que le sentiment des serviteurs de Dieu a fait unanimement. Ainsi j'espère
qu'il tirera de cette épreuve le bien de l'Église et qu'il fortifiera de son
divin Esprit tous ceux qui auront eu part à ses souffrances.
[...] Je ne doute point que l'on ne soit fort surpris
dans le pays de voir que je ne repousse point,
M. de Villeray et tous ceux qui lui
étaient en France m'ayant toujours vu dans ce dessein et ce désir et que
l'état de ma santé n'en aura pas été cause. Comme l'on a déjà dit ici que
c'était par ordre, ainsi que vous connaîtrez par la dernière lettre que j'écris
au P. de La Chaise, il y a bien de l'apparence que ce bruit ira jusqu'à La
Rochelle et ensuite en Canada. Je n'y dois pas contribuer; l'esprit de
Notre-Seigneur nous y oblige parce que l'on ne manquera pas de l'attribuer à
N.[de Saint-Valier]. J'ai fait ici ce que nous avons pu pour que l'on croie que
c'est par des considérations particulières. Sachant qu'ils en sont informés à
St-Sulpice, nous avons fait parler à M. Tronson, afin qu'il y apporte le
remède autant qu'il le jugera nécessaire. Je ne sais pas ce qu'il fera. En tout
cas, il faut faire de notre côté ce que l'esprit de grâce demande de nous.
Notre-Seigneur tirera sa gloire de tout. Ceux qui ont connu la disposition des
esprits en Canada, jugeront aussi de la source et du principe. Le P. Dablon a
écrit qu'il était assuré que l'on apporterait de l'opposition à mon retour et
qu'il le savait bien. S'il ne vous a pas dit la même chose, ne lui en faites
rien paraître, parce qu'il verrait bien que M. Dudouyt vous l'aurait
écrit. Il faut qu'il l'ait su de
personnes auxquelles l'on en ait fait confidence ou qui aient reconnu par des
marques assurées la disposition des esprits pour cet effet.
Quoi qu'il en soit, c'est de la main de Notre-Seigneur
et de sa sainte Mère que nous devons tout recevoir comme une grâce bien
spéciale, et je puis dire pour moi la plus grande et la plus précieuse que
j'aie encore reçue de ma vie. Priez-les que j'en fasse un saint usage et
j'espère néanmoins qu'ils me feront la miséricorde de mourir en Canada, quoique
j'aie bien mérité d'être privé de cette consolation. Verumtamen non mea sed Dei
voluntas fiat. Je possède sur cela par sa
bonté infinie une paix profonde dans le fond de l'âme.
Tous ceux qui conservent l'esprit d'union avec le
Séminaire seront bien contristés et consternés de ne voir passer aucun ecclésiastique
encore cette année. J'aurais tâché de contribuer à les soutenir et fortifier Si
j'avais passé moi-même. Mais il faut bénir Dieu et adorer son aimable conduite.
Le bon M. Brûlon espérait bien pour tout délai pouvoir revenir au Séminaire,
aussi bien que M. de Caumont; mais il ne faut pas que M. Brûlon s'inquiète et
qu'il se règle et s'appuie sur ses sentiments et son propre jugement; qu'il
mette toute confiance en Notre-Seigneur, qui, après nous avoir éprouvés, lui
donnera l'accomplissement de ce qu'il désire.
[...] Nous voilà, par une conduite spéciale de Notre-Seigneur sur moi,
à demeurer tant qu'il lui plaira dans le lieu de notre exil que je ne pensais
pas à mon départ de Canada venir trouver en France. Tout ce qui vient de sa main
nous doit être aimable et adorable.
Quoique N. [de Saint-Valier] fasse paraître qu'il est
nécessaire de conserver les curés dans la désappropriation, il prend tous les
moyens qui sont capables de les rendre tous propriétaires et semblables à ceux
de France. Comme cependant il y en aura plusieurs qui auront de la grâce et qui
conserveront les sentiments dans lesquels ils auront été élevés, il faut aussi
conserver avec eux le même esprit et union, et faire aux autres tout le bien
que l'on pourra dans l'esprit de charité et se disposer a voir tous les
changements que la divine Providence permettra qu'il arrive dans l'Église du
Canada, de laquelle j'espère que la très sainte Vierge en prendra un soin tout
particulier et spécialement du Séminaire consacré à la très sainte Famille de
Jésus.
Pour ce qui concerne l'emploi du Séminaire aux
missions des sauvages. nous devons mettre toute notre confiance en Notre-Seigneur.
Pourvu que ceux qui y seront employés soient bien remplis de son esprit, il les
aidera et soutiendra dans leurs travaux, et j'espère qu'ils ne manqueront pas
du nécessaire pour le temporel. Ceux qui y réussiront avec plus de bénédiction
et qu'il y faut consacrer, doivent être des sujets de grâce et qui aient de
l'intérieur.
Altera nova
positio
pp. 410-416
Lettre à Monsieur Milon du Séminaire des Missions
Étrangères de Paris, automne 1689.
J'ai reçu, mon cher
Monsieur, la lettre que vous m'avez fait le grâce de m'écrire; elle m'a donné
de la consolation et a beaucoup édifié tous nos Messieurs, auxquels j'en ai
fait part. La Providence de Dieu, qui vous inspire de prendre avec tant de
bonté part à notre peine et à nos intérêts, nous oblige plus particulièrement
de nous abandonner entièrement à son adorable conduite et d'y mettre toute notre
confiance.
Je ne doute aucunement que
Notre-Seigneur ne vous appelle à l'oeuvre des missions et qu'il ne rompe les
liens qui pourraient vous arrêter et que l'engagement de la Cour ni des parents
ne seront pas capables de prévaloir à la volonté de Dieu. Je le prie de tout
mon cœur de fortifier ce désir dans votre cœur.
Vous apprendrez que les
règlements qui sont venus de France pour apaiser les différends et conserver la
paix dans cette pauvre Église, qui en avait fait pendant trente ans toute la
bénédiction, n'ont pas eu sur l'esprit de Monseigneur l'effet que l'on en
devait attendre et qu'il a formé de nouveaux sujets de peine plus considérables
que les premiers. C'est le calice qu'il plaît à Notre-Seigneur de nous donner
à boire et ne se pas décourager.
Vous jugerez bien, mon cher
Monsieur, que s'il y a eu jamais une croix amère pour moi, c'est celle-ci,
puisque c'est l'endroit où j'ai toujours dû être le plus sensible, je veux dire
le renversement du Séminaire, que j'ai toujours considéré, comme en effet il
l'est, comme l'unique soutien de cette Église et tout le bien qui s'y est fait
et qui s'y peut faire à l'avenir et par conséquent la rupture et ruine totale
de l'union que nous avons pris tous les soins imaginables de conserver pendant
trente ans.
Mais au milieu de toutes ces
agitations, nous ne devons pas nous abattre; Si les hommes ont du pouvoir pour
détruire, la main de Notre-Seigneur est infiniment plus puissante pour
édifier. Nous n'avons qu'à lui être fidèles et le laisser faire.
Continuez, mon cher
Monsieur, cette affection pour cette œuvre qui le mérite et qui est digne de
compassion. Priez Notre-Seigneur et sa sainte Mère pour lui et pour moi qui
suis tout à vous en leur amour.
François
Altera nova positio pp. 452-453
Extraits d'une lettre à Monsieur de Denonville qui
avait été gouverneur de la Nouvelle-France de 1685 à 1689, 20 novembre 1690.
L'on a écrit conformément à
ce que vous aviez eu la bonté de me mander, et l'on a eu sujet de se persuader
que l'on déférerait au sentiment des personnes qui ont écrit. Mais on a trouvé
le moyen d'éluder; et ainsi cette maison [le Séminaire de Québec], privée de
tout secours humain, chargée de vingt et vingt-cinq ecclésiastiques, et
présentement jusqu'à trente-quatre, outre toutes les autres charges, est
réduite à de grandes extrémités qu'elle porte avec le secours de Notre-Seigneur
très patiemment, attendant que la divine Providence y apporte un remède
efficace, qui est d'une nécessité absolue et à moins de quoi je prévois un
renversement total des esprits, les hommes se gagnant par suavité et par un
esprit de grâce et particulièrement les ecclésiastiques, qui souffrent
beaucoup d'ailleurs dans un pays tel que celui-ci.
L'on a connu les sentiments
de M. le duc de Beauvilliers auxquels on doit déférer; cette maison l'a fait en
tout, mais la personne que vous connaissez bien n'a pas manqué de trouver des
expédients pour n'en rien faire. Mgr de Québec passe en France.
La saison cependant est très
rigoureuse pour le froid qui est plus grand que je ne l'ai point encore vu
depuis que je suis en Canada. Tout est plein de glace et beaucoup de neige sur
la terre; ce qui a fait qu’on a voulu le dissuader de s'embarquer. M. de
Frontenac ne s'y est pas épargné pour l'en détourner; mais il passe par-dessus
toute sorte de difficultés. M. de Gricour, qui est venu ici il y a un an,
repasse en France et aura l'honneur de vous voir.
Toute cette maison et moi
spécialement avons béni Notre-Seigneur et sa sainte Mère de vous avoir fait
arriver heureusement en France et de ce que la Providence divine a disposé de
vous et vous a mis dans un poste qui est bien important pour la religion et
tout le royaume.
Nous vous sommes
sensiblement obligés des sentiments que vous conservez pour nous. Plus il
semble que l'on apporte d'opposition à l'union que vous connaissez être si
utile et si absolument nécessaire pour le bien de cette Église et du salut des
âmes, plus il paraît que la grâce de cette union prend un nouvel accroissement
et se fortifie de plus en plus dans le cœur de tous les ecclésiastiques, qui en
reconnaissent les avantages et la nécessité.
[...] Notre-Seigneur et sa sainte Mère en disposeront
conte il leur plaira. J'ai une grande confiance qu'ils continueront à protéger
cette pauvre Église que vous connaissez bien remplie de son esprit. Je ne doute
point que vous n'ayez la charité et la bonté de lui rendre tous les bons
offices que vous pourrez selon les ouvertures que la Providence de Dieu vous
en fournira et les besoins pressants qu'elle en a.
Accordez-nous le secours de vos prières à cet effet et
soyez persuadé qu'il n'y a personne qui vous honore plus que moi et qui soit
plus véritablement en l'amour de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère,
Votre très humble et très obéissant serviteur,
François, ancien évêque de Québec.
Altera nova positio pp. 453-455
Extrait d'une lettre à Monsieur de Denonville, 16 avril 1691
De
Saint-Joachim au Cap-Tourmente, ce 16 avril 1691.
Depuis,
Monsieur, que je me suis donné l'honneur de vous écrire par la frégate qui
partit au commencement de décembre de Québec, nous n'avons point eu d'ennemis
au dehors, sinon depuis le commencement de ce mois que l'on craint une armée
d'Iroquois.
Il y a plus de deux mois que je me suis retiré ici
pour n'être pas présent à ce qui se passe de la part de ceux qui se déclarent
au dedans et font beaucoup souffrir cette pauvre Église.
[...] Depuis que Dieu a permis que nous ayons été
privés du bonheur que le pays avait de vous posséder et que N. (Mgr de
Saint-Valier) a eu une personne qu'elle pouvait gagner par des voies et des
moyens qui ne lui auraient pas réussi à votre égard, qui ne sont que
trop préjudiciables à cette Église, elle a fait éclater d'une manière tout à
fait scandaleuse les différends qu'elle dit avoir avec le Séminaire, touchant
même par l'écrit qu'elle a fait signifier, que ce soit avec moi conjointement
avec le dit Séminaire, quoique je ne sache aucunement ce qu'il veut entendre,
ayant évité soigneusement toutes les occasions d'avoir les moindres démêlés
avec elle, sinon qu'elle me retient de son autorité près de neuf cents francs
qu'elle sait que j'ai avancés par le moyen du Séminaire en choses nécessaires
pour le rétablissement de l'église de Ste-Anne, auquel vous pouvez vous
souvenir que je m'étais engagé par les instantes prières qu'il m'en fit, ayant
tous les deniers que l'on avait amassés depuis plusieurs années entre ses
mains.
N. (Mgr de Saint-Valier) prend le prétexte de ces
différends pour son voyage de France, qu'il dit être forcé de faire après avoir
tenté toute sorte de moyens pour les régler sans y avoir pu réussir, quoique
néanmoins il soit très véritable qu'il n'en a parlé en quelque manière que ce
puisse être depuis votre départ, retenant et retranchant de son autorité privée
tout ce qui appartient au Séminaire et dont il pouvait subsister, n'ayant pas
même voulu se tenir à tout ce qui a été réglé en France par les personnes qui
vous sont connues. Ne s'étant pas contenté de prendre l'an passé les quatre
mille francs que l'on avait réglé qu'il laisserait au Séminaire, attendant que
la chose fût terminée en France lorsqu'elle y serait présente, il prend encore
sur quatre mille francs de cette année prochaine et laisse secrètement des
billets pour les suppléments des curés, attribuant à chacun selon que bon lui
semble, comme si c'était son propre disposant, du reste comme s'il lui
appartenait. Elle a dit l'an passé qu'elle voulait se récompenser des pertes
qu'elle avait faites et des dépenses qu'elle était obligée de faire. Autant
que l'on peut juger (quoiqu'elle n'en communique rien à personne), l'on a sujet
de croire qu'il lui en est resté entre les mains chaque année plus de deux
mille francs, n'ayant rien donné à Messieurs du Séminaire du Montréal depuis
deux ans pour les suppléments des cures qu'ils desservent, qui se montent
chaque année à huit cents francs, disant qu'ils ont été ingrats des bienfaits
qu'ils ont reçus d'elle; [in nota: ce qui fait que beaucoup de lieux pour
lesquels il y a des suppléments marqués, demeurent abandonnés, voulant que des
ecclésiastiques entreprennent beaucoup au delà de leurs forces, lesquels
ruinent leur santé en deux ou trois ans. M. Dubos, par l'obéissance que vous
savez qu'on lui fit rendre à N. (Mgr de Saint-Valier), a été réduit à manger de
la viande en tout temps et à demeurer un... (?) d'infirmerie pour le reste de
sa vie. M. Boucher, qui n'est prêtre que depuis deux ans, que N. (Mgr de
Saint-Valier) avait mis à la côte de Lauzon, pour avoir, par les conseils qu'on
lui en a donnés pour le bien de la paix, entrepris la première année au-dessus
de ses forces que N. (Mgr de Saint-Valier) exigea de lui, de desservir jusqu'à
La Durantaye en desservant dans l'étendue qu'il y a, est demeuré depuis six
mois comme perclus pour avoir passé des eaux froides ou des glaces. Il est
actuellement dans les remèdes au Séminaire à l'infirmerie et il y a fort sujet
de croire qu'il n'en n'ait pour sa vie.
N. (Mgr de
Saint-Valier) paraît bien éloigné de la disposition de demeurer en France et se
fait un point d'honneur de revenir après être venu à bout de tout ce qu'il
prétend, dont il se flatte et s'ouvre à tout le monde au dehors, et que jusqu'à
présent il n'a pas été évêque. Ce serait trop long à vous expliquer ce qu'il
entend par ces termes.
M. l'abbé
de Brisacier, qui sera informé de tout, aura l'honneur de vous voir et de vous
le communiquer, et M. de Gricour, ecclésiastique, qui repasse en France, qui a
été témoin oculaire et qui en a lui-même expérimenté une partie, vous le dira
de vive voix.
N. (Mgr de
Saint-Valier) est dans la résolution de faire semblant de vouloir traiter et
faire régler toutes les choses à 1'amiable, mais il n'a pas pu s'empêcher par
chaleur de faire paraître le dessein qu'il a de se pourvoir secrètement à la
Cour et en apporter des ordres pour l'exécution de tout ce qu'il prétend. Ce
qui paraît manifestement par l'écrit qu'il a fait signifier où il marque qu'il
va en France pour faire régler les différends qu'il prétend avoir, par qui il
appartiendra. Si Notre-Seigneur permet qu'il réussisse dans tous ses desseins,
l'on peut dire assurément que cette pauvre Église est ruinée de fond en comble
et qu'il n'y a pas sujet de croire que les ecclésiastiques de France veuillent
et puissent y demeurer et porter la conduite de N. (Mgr de Saint-Valier),
laquelle ne paraît aucunement animée de l'esprit de Notre-Seigneur, n'ayant
rien qui ne soit très dur pour les ecclésiastiques. Il n'y a que Dieu qui
puisse détourner ce malheur. Ce sera un plus grand miracle que tout ce que Dieu
a fait jusqu’à présent pour la conservation toute miraculeuse de ce pays.
Quoique ce soit le sujet le plus capable du monde de me causer une sensible
douleur, Notre-Seigneur néanmoins par sa miséricorde me fait la grâce de jouir
d'une grande paix intérieure de cœur et d'esprit, ayant une entière confiance
avec le secours de sa très sainte Mère et des saints Anges et saints Protecteurs
de cette Église, qu'il fera tout réussir pour sa gloire. Comme je sais qu'il
vous a donné une grande tendresse et affection pour ce pays, je vous conjure,
Monsieur, de lui offrir tous les besoins de cette Église, qui sont pressants et
venus à une extrémité bien fâcheuse.
Ayez, je vous supplie, la bonté et charité de me
donner quelque part en vos prières, dont j'ai plus de besoin que jamais, y
ayant bien de l'apparence que la fin de mes jours est bien proche. Je suis
attaqué depuis deux ans d'éblouissements accompagnés de maux de cœur qui sont
très fréquents et augmentent notablement. J’en ai eu tout récemment un ici, le
lundi de la Passion, qui me prit à trois heures du matin et me dura jusqu'à
neuf heures du soir, sans pouvoir lever la tête du lit.
Je suis avec un véritable respect, Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
François
Altera
nova positio pp. 472-476
Extraits
d'une lettre à Monsieur de Brisacier, 17
avril 1691
A
St-Joachim au Cap-Tourmente, ce 17 avril 1691.
Je vous écris celle-ci de ce lieu où je me suis retiré
pour avoir un peu de solitude et pour me consoler avec Notre-Seigneur de
l'état où je vois cette pauvre Église, qui est affligeant et duquel je serais
inconsolable si Notre-Seigneur et sa sainte Mère ne me donnaient une grande
confiance qu'ils en auront compassion et qu'ils la secoureront dans son extrême
besoin.
Quoique je fasse tout mon possible, me retirant de
temps en temps pour diminuer l'ombrage et la peine que je fais à. N. (Mgr de
Saint-Valier), comme il me sait et connaît entièrement opposé de sentiment à la
conduite qu'il tient tant envers le Séminaire que les autres ecclésiastiques,
je ne puis guérir son mal, qui augmente à proportion de ce qu'il reconnaît
qu'il ne réussit pas autant qu'il le désire dans le dessein et la fin qu'il se
propose et qui paraît qu'il a à cœur par-dessus toute chose de détruire
jusqu'au fondement l'union de grâce qu'il a plu à Notre-Seigneur d'établir et
conserver depuis tant d'années dans cette pauvre Église, en quoi elle a
toujours fait consister tout son bonheur.
N. (Mgr de Saint-Valier) se
déclare ouvertement que c'est le sujet unique qui l'oblige de faire son voyage
de France et prétend remuer ciel et terre pour y réussir. L'on peut ajouter
que dans la malignité de ce dessein, que la passion et 1'aveuglement lui
cachent, le monde et l'enfer y auront bonne part et se trouveront unis pour y
correspondre. Il a fait toute son étude principale et n'omet aucun soin ni
application jour et nuit pour en venir à bout. Tous les moyens pour cet effet
lui sont bons, mais celui par-dessus tout qu'il croit et duquel il s'est
toujours servi comme le plus efficace, est de réduire le Séminaire à ne pouvoir
subsister et à n’avoir pas, comme il l'a dit souvent, du pain à manger.
Si Dieu lui permettait de
continuer son entreprise, il viendrait sans doute à bout de sa fin. Il l'a déjà
réduit à une grande extrémité et n'était que l'on a pris la résolution de tout
souffrir dans l'espérance d'un prompt remède, il n'y aurait pas eu moyen de
s'abstenir d'éclater. [...]
Mais Notre-Seigneur et
sa sainte Mère, qui prennent un soin tout extraordinaire de ce pauvre pays, ne
permettront pas que la prudence purement humaine et du monde prévalent à la
vérité et à l'esprit et conduite de Notre-Seigneur, qui a promis de détruire
la sagesse et prudence des sages et prudents de ce monde. C'est en cela que
nous établissons et fondons tout notre appui et notre force.
Quoique M. l'Intendant connaisse parfaitement bien N.
(Mgr de Saint-Valier), cependant nonobstant tout ce qu'il m'en a témoigné par
les ouvertures qu'il m'en a faites plusieurs fois, il y a sujet de craindre
qu'il ne l'oblige à faire et à dire des choses d'une manière dont il puisse
tirer avantage, même d'en écrire en France, n'ayant personne qui soutienne son
esprit comme faisait M. [de] Denonville, et craignant extraordinairement que N. (Mgr de Saint-Valier) et M. de
Frontenac parlent ou écrivent contre lui en France. Ne soyez pas surpris s'il
paraît en quelque manière que ce soit favoriser N. (Mgr de Saint-Valier),
quoiqu'il m'ait parlé souvent, avec bien de la confiance de la conduite de
l'un et de l'autre. Je n'ai pas cru lui devoir parler de la même manière et
j'ai toujours, aussi bien que le Séminaire, entretenu au dehors avec lui
correspondance, dont il a toujours témoigné être satisfait. Mais ce que 1'on
peut dire à son égard est que la politique et la prudence humaine est le
principe qui a le plus de part à toute sa conduite.[...]
Altera nova positio pp. 476-
478
Lettre à Mgr
de Saint-Valier 1696
Puisque vous voulez, Monseigneur, que je vous dise mes
sentiments au sujet de votre retour, il me paraît que la divine Providence
est l'unique cause de votre retardement et je crois que vous ne devez pas être
surpris que le Roi étant pleinement informé de toutes les brouilleries et
divisions qui ont continué jusqu'à présent entre vous et votre clergé, il vous
ait fait déclarer l'ordre duquel vous avez pris la peine de m'écrire.
Vous me priez de vous dire en quoi vous pouvez avoir
contristé votre clergé et que vous croyez qu'il n'y a personne plus capable
que moi de vous faire connaître les moyens que vous auriez à prendre pour
consoler ceux que vous avez affligés contre vos intentions.
Vous savez que je suis très peu éclairé et que j'ai un
juste sujet de me persuader que ce que je pourrai avoir à vous dire sur une
affaire de cette nature, aura très peu d'effet, et je me crois d'autant plus
incapable de vous donner aucune lumière que j'ai reconnu par une longue
expérience le grand éloignement que vous avez toujours en d'en recevoir aucune
de ma part, jusqu'à m'avoir témoigné plusieurs fois, comme vous le savez, que
j'aurais dû me conformer au désir que vous aviez que je me retirasse dans un
lieu éloigné d'ici, sans néanmoins vous en avoir donné aucun sujet, sinon que
je ne pouvais souvent convenir des principes qui font toute la règle de votre
conduite.
Cette considération, outre plusieurs autres, m'aurait
dû obliger à garder le silence. Cependant, Monseigneur, comme vous me priez
d'écrire pour demander et obtenir votre retour, je crois être obligé devant
Dieu de vous parler avec toute la liberté et la confiance que doit une personne
qui a des obligations très particulières de vous honorer, qui est près, étant à
l'âge de soixante-quinze ans, de paraître au jugement de Dieu et qui n’a
uniquement en vue que les intérêts d'une Église qui vous doit être et à moi
également chère. Agréez donc, Monseigneur, que je vous ouvre mon cœur. Je le
fais avec la sincérité et la simplicité que je suis obligé, sans vous rien
dissimuler de la vérité.
Faites, je vous
conjure, avec moi une sérieuse réflexion sur tout ce qui s'est passé depuis que
je me suis démis de la conduite de cette Église en votre faveur, sur l'état
dans lequel vous 1’avez trouvée, la paix et 1'union dont elle jouissait, sur
tous les biens que le Séminaire des Missions étrangères y faisait, lesquels
vous ne saviez assez admirer, ce qui vous obligeait de dire en toute sorte d'occasions
que votre plus grande peine était de trouver une Église où il ne vous
paraissait plus rien à faire pour exercer votre zèle. Vous avez reconnu et
publié si fréquemment que le dit Séminaire était le lien de cette grande union
qui avait existé dans cette Église.
Faites, Monseigneur, d'autre
part, une semblable réflexion sur le grand changement que 1'on y peut
présentement remarquer et d'où il est provenu. N'a-t-il pas paru, au grand
scandale de tout le peuple et au préjudice du salut des âmes, que votre
principal dessein a été de détruire tout ce que vous avez trouvé de si bien
établi et toute votre application à chercher tous les moyens possibles pour
ruiner entièrement le Séminaire, que vous avez reconnu pour l'âme de cette
Église naissante, n'ayant rien épargné pour le réduire dans l'extrême pauvreté
et lui ôtant tout ce qui dépendait de vous et l'empêchant de recevoir ce qui
lui appartenait et en beaucoup d'autres manières dont j'ai été témoin avec une
douleur extrême, que Notre-Seigneur m'a fait la grâce de porter avec conformité
à sa sainte volonté.
Que n'avez-vous pas fait
pour éloigner les Supérieur et Directeurs qui en ont la conduite et tous ceux
que vous avez cru qui étaient capables de le soutenir. Vous leur avez ôté,
autant que votre pouvoir s'est étendu, toutes leurs fonctions spirituelles, et
non content de les exclure entièrement de la conduite des maisons religieuses,
dont ils avaient eu le soin depuis vingt ans et dont ils s'étaient acquittés
avec beaucoup de grâce et de bénédiction, pour en même temps donner cet emploi
à des ecclésiastiques que vous ne pouviez pas ignorer être de très mauvaise
vie, vous les avez encore privés de la part qu'ils avaient au gouvernement de
l'Église, pour le confier à des personnes éloignées de la cathédrale et à de
jeunes gens, à qui leur âge ne pouvait encore donner aucune expérience
nécessaire pour s'acquitter de leur emploi.
Les mêmes Supérieur et
Directeurs du Séminaire possédant les premières dignités du Chapitre, vous avez
pris occasion d'y former les plus grandes brouilleries qui soient arrivées en
cette Église et vous les avez interdits sans aucun fondement, au grand scandale
de tout le peuple, pendant un an entier, avec des marques d'une ignominie tout
extraordinaire, jusqu'à les déclarer être la cause de faire blasphémer et
d'être incapables de faire aucun bien en cette Église.
Quels efforts n'avez-vous
pas faits ensuite pour les faire chasser du pays et repasser en France, ne
trouvant pas de moyen plus souverain pour détruire en même temps le Séminaire
et le Chapitre, ce que vous avez poursuivi avec tant de force que l'on a été
obligé d'en empêcher l'exécution par un ordre du Roi.
Je ne doute point, Monseigneur,
que vous n'ayez de très bonnes intentions et je sais que vous avez fait paraître
à l'extérieur avoir pris de fortes résolutions de rétablir toutes choses dans
leur premier état. Mais en vérité il ne se trouve aucun rapport de la conduite
que vous tenez à ces résolutions, et elle fait assez connaître que vous ne
changez aucunement de maximes et de principes. Peut-il même y avoir la moindre
apparence de se persuader que vous ayez ces sentiments dans le cœur. Quelle
conformité pourrait avoir cette disposition avec les menaces que vous avez
donné ordre à MM. Dollier et de Montigny de faire de votre part à tous ceux qui
sont la cause de votre rétention en France, de leur faire ressentir toute la
force et le poids de 1’autorité épiscopale, s'ils ne procurent efficacement
votre retour.
Je vous conjure, Monseigneur, de
me permettre de vous dire ce que vous savez beaucoup mieux que moi, qu'il
semble que l'on doit attendre du cœur et de la bouche d'un évêque, qui est
père, des sentiments bien différents et opposés à ces menaces, et qu'il serait
bien plus efficace par imitation de l'esprit de Notre-Seigneur de leur faire
ressentir la force de sa douceur et de son humilité, plus capable
incomparablement de gagner à soi les cœurs que les menaces, qui est la voie
ordinaire de laquelle se servent les puissances séculières dans leur gouvernement
temporel.
Il est bien facile de juger de
cette conduite l'éloignement que vous avez de rétablir l'union et la paix dans
cette Église, sans laquelle néanmoins il est impossible qu'elle puisse subsister.
L'on y voit au contraire présentement deux partis qui s'y sont élevés par
toutes ces divisions et se fortifient avec aliénation des esprits; ceux qui
font profession d'être attachés à vos intérêts, se trouvant dans la nécessité
pour obtenir quelque grâce [de] votre part de s'éloigner du Séminaire, et
quelques-uns même se déclarer contre vous en voyant si fort aliéné et sachant
que vous ne permettez à aucun ecclésiastique de s'y associer. Mais ce qui me
touche le plus sensiblement est de ne voir aucun remède à tant de maux et si
pressants, n'étant pas possible d'espérer de changement dont l'expérience du
passé nous est une preuve très convaincante.
Tout ce que je puis et je dois dans cette extrémité
est d'avoir recours à la bonté et miséricorde de Notre-Seigneur, à la
protection de sa très sainte Mère. Mais je vous avoue ingénuement que je ne
dois ni ne puis en conscience correspondre à la prière que vous me faites dans
votre lettre de demander et procurer votre retour; et je suis bien persuadé du
contraire qu'il n'y a point de serviteur de Dieu en France, auquel si on expose
dans la pure vérité‚ l'état de cette
Église, qui ne fût de sentiment qu'il vous serait bien plus glorieux devant
Dieu et devant les hommes d'imiter le grand saint Grégoire de Nazianze et
plusieurs autres grands prélats qui se sont démis du gouvernement de leurs
Églises pour y rétablir la paix et l'union; que si vous trouvez des personnes
qui soient de sentiment contraire, ils vous flattent assurément ou ils ne vous
connaissent pas. Il est vrai, Monseigneur, que je vous ouvre mon coeur trop
librement, mais l'amour et la fidélité
que je dois avoir pour une Église qui a été ci-devant confiée à mes
soins, m'y obligent, nonobstant toutes les considérations humaines qui
pourraient m'engager à garder le silence. Je vous conjure de n 'être pas moins
persuadé du respect sincère et véritable avec lequel je suis, Monseigneur,
Votre très humble et très
obéissant serviteur et confrère,
François, ancien évêque de Québec.
Altera nova positio pp. 548-552
La solidarité, la fraternité et le soutien mutuel dans
le ministère pastoral
Extraits d'une lettre au Directeurs du Séminaire de
Québec, 1685
Puisque l'on juge que l'on
doit continuer dès l'été prochain les travaux de l'église de Québec, afin que
la Cour voie que l'on emploie l'argent qu'elle donne à cet effet, la première
chose qu'il est nécessaire que l'on fasse est d'achever la seconde tour, qui a
été conduite seulement de dix-huit pieds de haut, contenue dans le marché du
sieur Renaud, qui est obligé d'achever la première conformément à son marché...
Comme M. Morel devait faire encore quelques quêtes pour le
rétablissement de l'église de Sainte-Anne et que je me persuade aisément qu'il
aura encore amassé quelque chose pour joindre au reste du fonds tant de ce
qu'il m'a baillé que de ce qui est entre les mains des Boulanger, qui se monte
bien à cinq cents francs, au cas que l'on envoyât six maçons, il en faudrait accommoder
Sainte-Anne de deux et commencer au moins l'été de l'année 1686, à moins que
les navires de cette année n'arrivassent de si bonne saison que l'on pût
commencer dès cette année; ce qui aurait un bon effet et exciterait les peuples
à continuer leurs charités pour le rétablissement d'une église où tout le pays
a une si grande dévotion.
Il est très important et d'une grande conséquence de
conserver les droits de juridiction que les bulles d'érection de l'évêché de
Québec en titre donne à l'évêque du dit Québec sur toutes les nations qui étaient
actuellement sous l'obéissance du Roi et celles qu'il réduirait à l'avenir,
pourvu qu'elles ne soient d'aucun autre évêché, réservant au Roi de mettre des
bornes au dit évêché de Québec, qui doivent être approuvées par le Pape, et
partant à moins que l'on n'établisse un autre évêché dans les nations qui
sont et seront sous la domination du Roi par la découverte qu'en feront nos
Français et les communications que nous pouvons y avoir par Québec, l'on ne
peut point en ôter la juridiction à l'évêque de Québec et aucun missionnaire
n'y peut travailler à la conversion des infidèles que sous la dépendance du dit
évêque. C'est pourquoi il faut en maintenir le droit ici par mémoire que l'on
présentera au Roi, et M. l'abbé de Saint-Valier doit en écrire au Roi par le
retour des vaisseaux et lui faire connaître les mauvaises suites et divisions
qui s'ensuivraient.
M.[de) Denonville a promis à M. l'abbé de Saint-Valier
de destiner tel nombre de congés qu'il jugera à propos pour le soulagement des
pauvres. Ceux qui sont répandus dans les côtes sont les plus dignes de
compassion et d'être assistés à cause de la grande misère où le manque de
hardes et de couvertures les réduit, et l'impuissance dans laquelle ils sont
d'en avoir, chargés de grand nombre d'enfants, qui sont obligés par nécessité
de coucher sans distinction de sexe et avec père et mère sous une même
couverte. Si M. [de] Denonville tient sa parole, il faudra distribuer les
congés par parcelles cinquante francs dix vingt écus plus ou moins, et en faire
part à chacun suivant la pauvreté où ils sont réduits. Cela soulagera beaucoup
le Séminaire, tenant lieu de ce qu'il serait obligé de donner tous les ans.
Il faut avoir soin de nous mander ce
qu'il aura fait, afin que l'an prochain l'on prenne des mesures selon le moyen
que l'on aura, au cas que les pauvres ne fussent pas soulagés par cette voie.
Il a été réglé à la Cour que les Récollets n'auront
qu'un frère demeurant dans la maison de Québec; à quoi il faut veiller avec
soin, parce qu'il est bien difficile qu'ils se puissent réduire à ne rien
entreprendre de nouveau et d'y faire demeurer quelque prêtre sous quelque
prétexte d’infirmité habituelle, afin de pouvoir dire qu'ils ont quelque
possession; ce qui est sujet à de grandes suites.
La Cour a réglé qu'ils ne s'établiront point au
Montréal; ce qui les a fort mortifiés et qui est un grand bien. A bien plus
forte raison faut-il souffrir qu'ils aient aucun établissement aux
Trois-Rivières, au fort de Cataracouï, à l'île Percée et autres lieux qu'ils
pourraient projeter, mais qu'ils n'aillent et ne demeurent en toute sorte
d'endroits universellement que par voie de mission, qu'il leur faut donner par
écrit pour le temps que l'évêque le jugera à propos. L'on ne doit point les
laisser aller hors une ou deux [lieues] de Québec sans qu'ils en aient donné
avis à l'évêque ou ses grands-vicaires, et qu'ils n'exercent point de fonction,
hors de dire la messe, sans qu'ils aient l'agrément de celui qui a soin du
lieu, qui les doit par nécessité instruire des désordres et de ceux qui donnent
du scandale, à moins de quoi il arrive presque infailliblement qu'ayant des
considérations purement humaines et de leur intérêt, ils reçoivent aux
sacrements les plus scandaleux, s'excusant sur ce qu'ils ignoraient la chose,
quoiqu'ils la sachent très bien, etc.
La subsistance des ecclésiastiques qui desservent les
cures de Canada est la charge la plus onéreuse que le Séminaire puisse avoir,
si la Cour désistait de donner autant du moins qu'elle a donné cette année.
Cependant il est de la dernière conséquence de ne pas abandonner les curés; le
Séminaire ne le peut ni ne le doit, tant à raison du bien spirituel des curés,
qui ne se soutient que par l'union qu'ils ont avec le Séminaire, qu’a cause du
bien général de toute 1'Église et de plus de tous les peuples, qui tomberaient
dans une étrange désolation, si les dits curés n'étaient unis et dépendants du
dit Séminaire. Il est donc nécessaire que M. l'abbé de Saint-Valier écrive dès
cette année à la Cour qu'il a déjà reconnu le peu de valeur des dîmes, les fatigues
excessives que les curés ont à souffrir pour administrer les cures, bref qu'en
attendant qu'il ait pu se transporter lui même dans tous les lieux au
printemps, qu'il prie le Roi d'accorder le même secours de quatre mille
livres, sans lequel il ne pourrait pas soutenir les dits curés et
missionnaires, y en ayant une grande partie des dites cures qui ne peuvent être
desservies que par voie de mission.
Il sera nécessaire de conférer et examiner si l'on
doit, les vingt ans étant passés, qui sera en 1687, proposer à la Cour de
mettre la dîme à la treizième suivant les lettres d'établissement de l'évêque
et des patentes du Roi données à ce sujet en l'année 16[63]. Il y a du pour et
du contre; il est à craindre que si l'on prend cette voie, la Cour ne retire
entièrement le secours des quatre mille livres et qu'elle ne veuille plus rien
donner pour les cures, tant celles qui peuvent être sédentaires et fixes que
pour celles qui ne peuvent être administrées que par voie de mission, fondée
sur ce que les dîmes augmentant de moitié, il doit y avoir suffisamment pour la
subsistance des curés du provenu des dites dîmes. Et cependant il est assuré
qu'avec cette augmentation, l'on ne pourrait pas les faire subsister, à la réserve
de quelques-unes. Les raisons en sont connues au Séminaire, qui a l'expérience
et sait les difficultés. D'autre part l'on a toujours reconnu qu'il est très
important pour conserver les ecclésiastiques dans l'esprit de Notre-Seigneur,
qu'ils reçoivent tous leurs besoins du Séminaire de Québec, afin qu'ayant ce
rapport, ils y demeurent toujours unis. Et si tout le revenu des cures consistait
en blé et qu'il n'y eût pas une partie en argent, il serait comme impossible au
Séminaire de pourvoir à la subsistance des curés, d'autant que la plupart du
temps l'on n'en a point de débit dans le pays, et que le Séminaire d'ailleurs
en retirera des fermes et autres domaines qu'il aura, sans parler des dîmes
qu'il recevra des curés qui se conserveront dans l'union du Séminaire,
beaucoup plus qu'il n'en pourra consumer pour son usage...
Nous avons conféré souvent du lieu et des moyens que
l'on pourrait choisir pour une mission sédentaire de sauvages. Il semble que la
Providence de Dieu ayant disposé l'Église en sorte que l'on aura des sujets
suffisamment pour y appliquer et un peu plus de fonds, il serait très
nécessaire d'entreprendre cette nature de mission, qui engage à moins de
dépense que les éloignées, lesquelles il me paraît aussi d'une absolue
nécessité de commencer, afin de former des sujets pour la langue, à l'étude et
pratique de laquelle il faut employer du temps avant que d'être capable de
travailler utilement auprès des sauvages. J'ai trouvé, toutes les fois que j’ai
pensé au lieu que l'on pourrait désigner pour la mission sédentaire, les mêmes
inconvénients que nous avons prévus qui pourraient arriver, si l'on
l'établissait dans les terres qui sont proches du Cap de Tourmente. Cependant
c'est le lieu qui paraît le plus commode pour maintenir les missionnaires qui y
seraient employés, dans l'esprit de grâce...
Il serait aisé de faire en sorte que M. de Denonville
fît une pareille défense pour l'eau-de-vie que M. de Frontenac a faite et que
le Roi a confirmée pour les sauvages de la mission du Sault, auxquels il est
défendu aux Français de porter de boisson...
M. Durfé passe aussi avec M. l'abbé de Saint-Valier à
dessein de demeurer au Séminaire de Québec. Je ne sais pas à quel emploi l'on
pourrait le destiner. Je n'en vois guère qui lui soient propres en Canada. Vous
y penserez tous ensemble et résoudrez ce qui lui sera plus convenable tant que
la Providence 1'arrêtera au Séminaire, dont je lui ai dit l'esprit, duquel il
y a sujet de douter qu'il s'accommode au regard du détachement, qui est l'essentiel
néanmoins et en quoi consiste l'esprit de grâce qui soutient le Séminaire,
lequel s'il ne goûte pas, il est à souhaiter qu'il n'y fasse pas une longue
demeure et qu'il retourne à celui de Montréal, comme il a témoigné qu'il
pourrait faire, si le Séminaire de Québec ne l'accommodait pas. Il a voulu
savoir une fois de moi combien il était à propos qu'il y payât de pension. Je
lui fit réponse que l'on n'en payait point dans le Séminaire, que l'on y
portait ce qu'on avait et que ceux qui n'avaient rien y étaient aussi bien
reçus que ceux qui avaient du bien. Abiit tristis. Je n'ai pas sujet d'être
persuadé qu'il goûte cette conduite. Notre-Seigneur en disposera comme il lui
plaira. Il faut prier la sainte Famille qu'elle ne permette pas que ceux qui ne
seront pas animés de cet esprit, demeurent dans une maison qui lui est dévouée
et consacrée si particulièrement...
Il se présente assez
de sujets médiocres, mais il est rare d'en trouver qui aient ce que l'on
appelle de bonnes qualités soit en grâce soit en talents naturels et qui soient
capables de remplir les fonctions dont l'on a besoin dans le Séminaire de
Québec, et propres pour être de l'union et prendre part à la conduite et
gouvernement du Séminaire. Tous ceux qui ont du bien temporel ou des qualités
de grâce et de nature un peu considérables, prennent les vues des missions du
Levant et envisagent le Canada comme un lieu où il y a peu de bien à faire
parmi les sauvages, où le seul emploi du Séminaire est de s'occuper simplement
aux Français, pour lequel presque aucun ne ressent d’attrait du moins en
Canada. J'ai néanmoins un sujet dans le Séminaire en vue et que nous tâcherons
de tourner pour le Canada, qui a bien de la grâce, du jugement et de la
conduite et qui serait d'une trempe d'esprit telle qu'il nous faudrait pour se
lier entièrement à cette œuvre. Il faut avoir recours à Notre-Seigneur et à sa
sainte Mère et leur demander qu'ils disposent son cœur. Il nous témoigne assez
d'affection et d'agrément.
Un bon garçon, nommé Thomas, qui est de Montmorency,
cordonnier de son métier, passe aussi pour le Séminaire de Québec. Il était
depuis sept ou huit mois dans la maison à aider à la cuisine. Il avait déjà,
avant mon arrivée, témoigné son désir à M. Dudouyt. Il n'a pas grand génie. Il
paraît néanmoins savoir bien son métier. Ce que j'appréhende en ce garçon, est
qu'il n’ait pas l'esprit assez constant et assidu à s'appliquer à son travail
depuis le matin jusqu'au soir et d'un bout de l'année à l'autre. Nous n'avons
pas pu avoir de l'expérience sur cela. Mais la seconde chose est qu'ayant été
élevé et aidé du frère Jean Osmond, nommé M. de la Croix, il n'eût pris
quelqu'une de ses maximes pour l'oraison mentale ou plutôt une inaction
véritable. Je dis cela sur quelque sorte de fondement, parce que l'observant un
peu, je remarquai qu'il avait été une fois plus de trois heures continues
devant le Saint-Sacrement. Ce qui me donna occasion en m'aidant à me coucher,
de lui demander, ne faisant semblant de le savoir, où il avait été pendant tout
ce temps. Il me fit réponse qu'il était devant le Saint-Sacrement, et l'avant
questionné de ce qu'il y faisait et que cette application était capable de lui
casser la tête, outre que ce n’était pas ce que Dieu demandait de lui, il me
dit qu'il ne s'appliquait point et que quand il y demeurerait plus longtemps,
qu'il ne se ferait aucun mal à la tête. J'ai dit à M. Dudouyt ma crainte à
l'égard de ce garçon, lequel, s'il se figurait des états chimériques, il déroberait
à son travail du temps pour contenter sa fantaisie. A quoi il m'a répondu qu'il
n'a jamais fait cela étant à la cuisine, dont il n'y a pas lieu de s’étonner,
parce qu'il était veillé et pressé. Cependant on vous l'envoie. Veillez à son
travail. Il m'a dit qu'étant dans une communauté de filles à Saint-Germain, il
faisait tous les jours trois souliers, et il convient qu'un homme qui s'emploie
en doit faire autant...
M. l'abbé de Saint-Valier ne sachant pas comme les
choses se passent en Canada, s'est figuré qu'il aurait besoin d'une personne qui
l'accompagnât pour écrire, et avait jeté les yeux sur le dit Digoy; mais je lui
ai dit que les choses n'allaient pas comme il pensait et que les
ecclésiastiques qui iraient avec lui s'acquitteraient de cette fonction, et
d'ailleurs s'il est jugé qu'il ait les qualités requises pour la procure, ce
serait bien dommage de l'en détourner et de ne le pas former à un emploi si
nécessaire au Séminaire. Ma pensée est que, quand il y sera employé, qu'il
demeure tout au plus clerc avec la soutane, comme M. Ranvier, sans être promu
aux ordres sacrés suivant la vue qu'on avait eue sur M. Valet, lequel, à moins
qu'il n'y ait un grand changement dans son humeur, il est à propos de renvoyer
en France, et je puis même juger que quelque changement qu'il y parût, il serait
peu propre à administrer une cure, ayant le fond du génie fort rustique,
grossier et dégoûtant; ce qui ne s'ajuste pas aux fonctions ecclésiastiques,
dans lesquelles l'on est obligé incessamment de converser et agir avec le
prochain, enfants ou adultes. Lui ayant donné la soutane et admis au
réfectoire, je ne vois guère d'autre moyen de s'en défaire que de le renvoyer
en France…
Nous avons souvent parlé, M. Dudouyt et moi, de la
nature et usage que l'on doit fixer la nourriture et entretien de ceux qui
feront état de se donner au Séminaire, et avons trouvé beaucoup de difficulté à
ce que l'on les (i. e. les frères donnés du Séminaire) réduisît toute leur vie
à ne boire que de l'eau; et quoique la chose ne soit pas si rude, comme les
personnes se le persuadent, cependant, eu égard à tout le reste du pays, ils se
regarderont quelquefois, dans des tentations et bouleversements, comme
malheureux d'être privés de toute sorte de douceurs et particulièrement de
celle de boire du vin ou au moins de la bière. Sur lequel sujet de murmure et
de plainte de la nature, lequel n'est pas nouveau, l'on peut dire que la
mission du Canada étant soutenue de la France et y ayant tout son rapport et sa
correspondance, à ce malheur qu'à moins que la même manière de vie, nourriture
et entretien n'y soit gardée, l'on n'est point satisfait, et quoique les choses
soient incomparablement plus chères qu'en France, l'on n'y [a] aucun égard. Ce
qui rend le soutien du Séminaire de Québec bien plus difficile et de plus
grande dépense que n'est pas celui de Siam. Je me suis entretenu à fond
plusieurs fois avec M. Vachet qui avait amené ici des mandarins qui sont des
espèces d'ambassadeurs du roi de Siam, de la conduite et manière de vie,
nourriture et entretien du Séminaire de Siam, et, entre autres choses, il m'a
dit que dans le réfectoire les ecclésiastiques, séminaristes et domestiques ne
boivent autre chose au monde que de l'eau; et lui demandant si c'était que l'on
n'y portât point du tout de vin, il m'a répondu que l'on y en porte, mais qu'il
vaut un écu et quatre francs quelquefois le pot et n'y est pas plus cher; ce
qui fait que l'on n'en donne au réfectoire qu'aux grandes fêtes. Le reste du
temps, ils ont une certaine liqueur dans le pays, qui n’est pas bien chère,
dont chaque ecclésiastique a une bouteille à sa chambre pour en boire
quelquefois, qui soutient plus que de l'eau. Voilà l'usage qu'ils observent
pour la boisson et se portent néanmoins très bien en ce pays, quoiqu'il m'ait
dit qu'ils ont beaucoup plus de peine à s'abstenir de vin et d'eau-de-vie qu'en
France et dans tous les pays froids, parce que dans les grandes chaleurs les
pores sont tellement ouverts, que dans les travaux de leurs missions et même
dans le moindre exercice qu'ils font dans le Séminaire, ils se trouvent souvent
sans force ni vigueur. Je lui ai dit que nous étions de pauvres gens et
missionnaires en Canada, qu’à moins que nous ne fussions nourris à l'instar de
la France, nous ne croyons pouvoir subsister. Mais à leur manière de boisson,
il est aisé de voir que si nous étions réduits comme eux, nous subsisterions en
aussi bonne santé comme eux et nous aurions possible plus la grâce de la
pauvreté évangélique. Mais après cette digression pour revenir à parler de
bière, tout bien examiné, le Séminaire ayant sa provision et son ordinaire
réglés de vin, comme chacun sait, il est bien difficile de réduire des donnés à
boire de l'eau toute leur vie.
Ainsi nous jugeons qu'il faut encore bien peser et
examiner si l’on ne doit pas établir une brasserie pour rendre leur condition
plus douce et tolérable que celle d'être réduits à l'eau, en leur donnant de la
bière médiocre, possible même à la suite pourra-t-on faire que ceux qui
passeront en Canada pour ecclésiastiques, se pourront accoutumer à la bière.
Je ne vois qu'il leur fût bien difficile, parce que la plupart des sujets que
l'on choisit ici, ont été élevés dans de pauvres petites communautés, où ils
vivent presque de rien, et dans une grande pauvreté, n'ayant pas même de quoi
avoir du pain, se passent bien à boire de l'eau et se portent très bien.
Nous aidons actuellement plusieurs pauvres garçons qui
achèvent leurs études, qui ont bien de la grâce et de l'esprit et seront de
fort bons sujets pour les fonctions ordinaires.
Il était de grande importance de ne pas différer à
faire voir le droit de la juridiction de l'évêché de Québec et de travailler à
se maintenir dans la possession. J’ai envisagé cette affaire de telle
conséquence, que je l'ai jugée, comme je vous le dis, lorsque l'on me proposa
le voyage de France, seule capable de me le faire entreprendre et il semble que
Notre-Seigneur me donnait un pressentiment de tout ce que nous voyons qui
serait arrivé et qui était déjà bien avancé. Aussitôt que je fus arrivé à
Paris, je ne perdis aucun moment pour en écrire à Rome à M. Pallu, lequel en
ayant parlé à M. le Cardinal d'Estrée, il le trouva fort ferme sur cette
affaire pour maintenir le droit des Récollets, et lui dit que c’était lui qui
avait été chargé de leurs requêtes et mémoires et qui leur avait obtenu leurs
pouvoirs. Il dit à mon dit Sieur Pallu et depuis à M. Lefebvre, qui est
présentement à Rome en sa place, qu'il paraissait fort extraordinaire que
l'évêque de Québec voulût étendre sa juridiction à huit cents lieues et trouva
étrange que l'on envoyât des vicaires apostoliques. Et comme l'on lui avait
envoyé un mémoire des raisons que 1'évêque de Québec avait d'empêcher que l'on
n'entreprît sur sa juridiction et que si l'on avait besoin de vicaires,
c'était à lui de les envoyer jusqu'à ce qu'il eût un autre évêché établi, mon
dit Sieur le Cardinal d'Estrée, quasi comme parti, fit réponse au dit mémoire
et envoya au Roi la réponse, disant qu'il avait cru être obligé d'en user de la
manière qu'il avait fait, et M. l'abbé de Saint-Valier lui ayant écrit aussitôt
qu'il fut nommé, il lui a fait la même réponse, dont il lui a envoyé autant,
lui témoignant qu'il souhaiterait que M. l'abbé de Saint-Valier fût multiplié
et qu'il pût être en même temps à Québec et à huit cents lieues, qu'il avait
envoyé le mémoire de l'évêque de Québec d'un côté et les raisons contre de
l'autre part. Ce qui obligea d'en parler au Roi, lequel M. l'abbé de
Saint-Valier trouva fort informé et prévenu par le mémoire et les lettres du
dit Cardinal et encore plus par les soins du Ministre, qui avait une forte
passion de maintenir l'entreprise du dessein du Sieur de la Salle comme son
ouvrage. C'est ce que l'on a reconnu depuis. Cependant nous avons fortement
répondu aux réponses envoyées par le dit Cardinal d'Estrée. Ce qu'ayant montré
au P. de La Chaise, il a entrepris cette affaire de la bonne manière et en a
entretenu le Roi à fond. Ce qui a été cause que M. l'abbé de Saint-Valier en
ayant parlé une seconde fois au Roi, il lui dit qu'il vît M. l'Archevêque et le
P. de La Chaise et qu'il les chargeât de ses mémoires pour lui en faire le
rapport; ce qu'il fit; lesquels, ayant pris jour s'assemblèrent, où l'on se
trouva présent, et tous deux ensemble ayant vu les clauses de nos bulles, où le
droit de 1'évêque est si positivement établi dans tous les lieux qui sont et
seront ci-après mis sous la domination du Roi, non sujets à la juridiction de
quelque autre évêché, et que les bornes du dit évêché de Québec seront
désignées par le Roi et approuvées du Saint-Siège, ils n'eurent aucune peine de
conclure que Rome n'avait aucun droit et qu'il fallait laisser les choses comme
elles ont été, sous 1'autorité et gouvernement de l'évêque de Québec. Cependant
comme le Ministre apprit que la chose se décidait de la manière apparemment contre
son attente, est venu à la traverse et représenté au Roi que cette nouvelle
colonie prétendue serait ruinée, si l'on la soumettait à la juridiction de
l'évêché de Québec, qu’il fallait encore examiner cette affaire. Ce qui a fait
que le Roi a dit qu'il fallait que M. de Seigneley fût présent à une autre
assemblée qui se ferait de M. l'Archevêque de Paris et du P. de La Chaise,
lequel est tout 1'appui en cette affaire.
M. l'Archevêque mollissant aussitôt qu'il voit le
Ministre d'un sentiment, cette assemblée, où la chose se doit discuter une
dernière fois, se fera jeudi prochain le dix de mai. Cependant comme l'on a été
obligé de voir M. de Seigneley sur cela, et de lui bailler autant de tous les
mémoires, après avoir fait beaucoup de difficultés sur cette affaire et que
c'était ruiner et détruire entièrement cette colonie, il a néanmoins molli et a
dit qu'il fallait donc que l'évêque de Québec eût un grand-vicaire établi à
Paris. A quoi l'on lui a répondu que l'on n'y trouvait aucune difficulté et qu'il
verrait dans les mémoires que l'on s'offrait à cela. L'on vous enverra autant
des mémoires qui sont très forts et bien faits. Ceux qui ont été faits à Rome
le sont malicieusement et sans bonne foi, contiennent beaucoup de faussetés,
mais faits avec esprit. M. l'abbé de Saint-Valier était de sentiment d'attendre
à son retour de parler de cette affaire, mais j'ai cru qu'il ne fallait pas
perdre un moment et il est facile de voir que si les choses se fussent
affermies, outre les changements et révolutions perpétuelles qui arrivent, il
aurait [été] très difficile d'y remédier. Le P. de La Chaise a été de ce
sentiment et Notre-Seigneur et sa sainte Mère y ont donné bénédiction. Ce sera
une paix établie pour toujours en cette nouvelle Église, soit qu'il s'établisse
ou non un nouvel évêché à la suite; et on conviendra pour lors des conditions
en ce qui regardera la juridiction...
Altera nova
positio
pp. 588-598
Écrits d'amitié spirituelle
Lettre au Père Eudes pour appuyer et recommander son
livre "Le Coeur admirable de la Très Sacrée Mère de
Dieu", 23 décembre
1662.
Le Saint-Esprit ayant publié par les divines Écritures et par la bouche
des saints Pères les excellences du Sacré Cœur de sa très digne Épouse, la
bienheureuse Vierge, et ayant par ce moyen puissamment exhorté tous les fidèles
à une dévotion et vénération singulières vers ce même Cœur, ce livre, qui est
fait pour allumer et enflammer de plus en plus cette dévotion du divin Cœur
avec celle du saint Nom de Marie dans les cœurs de ceux qui le liront, n'a pas
besoin d'approbation, puisqu'il est conforme aux desseins et intentions de
l'Esprit de Dieu.
Aussi notre prétention n'est pas tant de l'approuver en écrivant ceci,
comme de donner un témoignage de l'estime très particulière que nous en avons conçue
après l'avoir lu soigneusement, et du désir que nous avons que la dévotion
qu'il enseigne soit profondément gravée dans les cœurs des Chrétiens, que le
très aimable Cœur de la Mère de Dieu, qui est tout embrasé d'amour vers sa
divine Majesté et de charité au regard de tous les hommes, et son très auguste
Nom soient loués et honorés par tout le monde.
Et que les fêtes avec les offices et messes contenus en ce livre en
soient célébrées avec une solennité et piété qui leur soient convenables. Ce
sont les sentiments que nous avons de ce livre, lequel par conséquent nous
jugeons très digne d'être donné au public.
En foi de quoi, Nous
avons bien voulu donner ce témoignage écrit de notre propre main et scellé du sceau
de nos armes. A Paris, ce vingt-troisième jour de décembre mil six cent
soixante-deux.
François,
évêque de Québec
Altera nova
positio p. 877
Lettre à
Monsieur Poitevin, prêtre, 8 novembre
1668.
Monsieur.
Le zèle que Notre-Seigneur vous a donné pour cette
Église naissante, qu'il lui a plu confier à notre conduite, et les soins que
vous continuez de prendre avec tant de charité pour tout ce qui peut contribuer
a son accroissement, m'obligent à vous faire part, à mon ordinaire, de l'état
auquel elle se trouve présentement.
Le secours des ecclésiastiques que vous nous avez
envoyés par les premiers vaisseaux, nous est verni fort à propos pour nous
donner le moyen d'assister divers lieux de cette colonie qui en ont un notable
besoin et sans lesquels ils auraient été destitués de tout secours.
La venue de M. l'abbé de
Queylus avec plusieurs bons ouvriers tirés du Séminaire de Saint-Sulpice ne
nous a pas moins apporté de consolation; nous les avons tous embrassés in visceribus
Christi. Ce qui nous donne une joie plus sensible est la bénédiction de voir
notre clergé dans une sainte disposition de travailler d'un coeur et d'un même
esprit à procurer la gloire de Dieu et le salut des âmes tant des Français que
des sauvages.
Les tendresses de père
que le Roi fait paraître pour la Nouvelle-France et les dépenses notables
qu'il fait pour la rendre nombreuse et florissante, fourn[issent] à tous une
fort ample moisson pour employer dignement leur zèle et consumer leur vie pour
l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui leur a, par sa bonté infinie, donné
les premières inspirations de la lui venir consacrer dans une Église sur
laquelle il a dès son berceau versé ses plus tendres bénédictions et dont il
continue de la combler incessamment.
L'humiliation dans
laquelle sont présentement nos ennemis (gli Irochesi) ne nous a pas seulement
ouvert la porte à la conversion des infidèles dans les nations les plus
éloignées, mais encore les a rendus eux-mêmes capables de prendre part à ce
bonheur.
Les Pères Jésuites s'y
emploient toujours avec le même zèle qu'ils y ont travaillé depuis quarante
ans; j'en ai reçu des témoignages sensibles après le retour de nos visites,
dans celle que nous avons faite ce printemps à Tadoussac, trente lieues au
dehors de Québec, ayant trouvé les sauvages de cette mission dans des
dispositions telles que depuis qu'il a plu à Notre-Seigneur de nous donner la
conduite de ce Christianisme, je ne sache rien qui m'ait donné plus de
consolation.
Nous y avons reconnu
quelle bénédiction ce peut être à ces nouveaux Chrétiens de se trouver hors des
occasions des boissons enivrantes, lesquelles, à raison de la faiblesse qu'ils
y ont, causent des excès de désordre parmi eux, qui nous font souvent gémir
devant Dieu et déplorer le malheur de ceux qui en sont la cause.
Cette Église de Tadoussac,
exempte de ce mal, est dans une piété vraiment solide et chrétienne. Nous
avons donné la confirmation à cent quarante-neuf, très bien disposés à recevoir
les effets de ce sacrement.
Si Notre-Seigneur me donne
autant de santé l'an prochain que j'en ai ce printemps, j'espère encore y
retourner; car je vous avoue que s'ils ont témoigné de la joie de nous y voir,
nous n'en avons pas moins ressenti de notre côté en cette visite.
J'ai donné mission depuis
un mois à deux très vertueux et bons ouvriers pour aller dans une nation
iroquoise, qui s'est établie depuis quelques années assez proche de nous du
côté du nord du grand lac nommé Ontario, dont la communication ne nous est pas
difficile. L'un est M. de Fénelon, duquel le nom est assez connu dans Paris et
l'autre M. Trouvé. Nous n'avons pu encore savoir le succès de leur emploi, mais
nous avons tout sujet d'en espérer un très grand fruit.
Comme le Roi m'a témoigné qu'il souhaitait que l'on
tâchât d'élever à la manière de vie des Français les petits enfants sauvages
pour les policer peu à peu, j'ai formé exprès un séminaire où j'en ai pris un
nombre à ce dessein. Et pour mieux y réussir, j'ai été obligé d'y joindre des
petits Français, desquels les sauvages apprendront plus aisément et les moeurs
et la langue en vivant avec eux.
Cette entreprise n'est pas sans difficulté, tant du
côté des enfants que de celui des pères et des mères, lesquels ont un amour
extraordinaire pour leurs enfants, à la séparation desquels ils ne peuvent
presque se résoudre, ou s'ils la souffrent, il y aura une peine tout à fait
grande qu'elle soit pour beaucoup de temps, a raison que pour l'ordinaire les
familles des sauvages ne sont pas peuplées de beaucoup d'enfants comme celles
de nos Français où dans la plupart en ce pays ils se trouvent huit, dix, douze
et quelquefois jusqu'à quinze et seize enfants, les sauvages au contraire n'en
ont pour la plupart que deux ou trois et rarement ils passent le nombre de
quatre; ce qui fait qu'ils se reposent sur leurs enfants, lorsqu'ils sont un
peu avancés en âge, pour l'entretien de leur famille, qu'ils ne peuvent avoir
que par la chasse et d'autres travaux dont les pères et les mères ne sont plus
capables, lorsque leurs enfants sont en âge et en pouvoir de les secourir; à
quoi pour lors, il semble que la loi naturelle oblige indispensablement les
enfants. Cependant nous n'épargnerons rien de ce qui sera de nos soins pour
faire réussir cette heureuse entreprise, quoique le succès nous en paraisse
fort douteux.
Les prêtres de notre Séminaire des Missions étrangères
ne nous ayant pas moins fait paraître de soin et de vigilance dans l'éducation
des enfants de ce pays, que nous leur avons donnés à former à l'état
ecclésiastique, qu'ils nous ont donné des marques de leur zèle dans les
travaux qu'il y a à souffrir dans tous les lieux des habitations de ce pays où
nous les employons, nous avons estimé ne pouvoir rien faire qui soit plus à la
gloire de Dieu et pour le bien de notre Église, que de leur confier de nouveau
la direction de ce second Séminaire; d'autant plus que nous avons jugé à propos
de le renfermer dans l'enceinte de notre Séminaire, dans laquelle nous avons
fait accommoder un logement propre à ce dessein. Il y a déjà, grâces à Dieu,
pris ses premiers commencements depuis un mois.
Je supplie Notre-Seigneur, au nom de la très sainte
Famille, en l'honneur et sous la protection de laquelle notre Séminaire est
établi, d'y vouloir donner le succès et
la bénédiction que nous nous en promettons.
Voilà succintement ce que je puis avoir pour le
présent à vous dire de ce qui regarde notre spirituel. Souvenez-vous, je vous
conjure, de recommander à Notre-Seigneur au saint autel les besoins de notre
troupeau et d'implorer sa divine miséricorde pour celui qu'il lui a plu en
établir le pasteur.
Et me croyez avec vérité, Monsieur,
Votre très humble et
obéissant serviteur,
François, évêque de Pétrée, premier
évêque de la Nouvelle-France nommé par le Roi.
À Québec, ce 8
novembre 1668.
Altera nova
positio
pp. 248-251
Lettre au Père
Eudes pour accuser réception du livre
le "Coeur admirable de la Sainte Vierge" que l'on venait de rééditer,
12 novembre 1682.
J'ai reçu le livre que vous m'avez
envoyé, du Coeur de la très Sainte Vierge comme une marque de votre
affection. C'est un présent qui m'est
fort agréable, tant à raison du sujet qui y est traité que de la personne qui
l'a composé, dont nous honorons la mémoire.
J'espère que ce Coeur admirable, dont le propre est d'unir en soi tous
les coeurs, sera le lien des nôtres d'une manière particulière, et notre
Séminaire n'aura pas de plus grande joie que de se voir uni à votre
Congrégation, qui est toute à Jésus et Marie que nous faisons profession
d'honorer sous le titre de la Ste Famille, à qui nous avons dédié notre
Séminaire. Et comme ne vertu de cette
union, vous participerez à tout le bien qui s'y fait, nous attendons de votre
Congrégation la même grâce, que vous n'oublierez pas de prier pour cette Église
naissante qu'il a plu à Notre-Seigneur de nous confier, afin qu'elle aille
toujours croissant jusque dans sa perfection. [...]
ASQ 7, n.
78c
Extrait des Annales de la Congrégation de Jésus et Marie dite des Eudistes, Année
1682 conservé aux Archives du Séminaire de Québec.
Lettre d'appréciation d'un livre sur la
« Défense des nouveaux Chrétiens et des Missionnaires de la Chine et du Japon »
par le P. Le Tellier, jésuite, 25 octobre 1687.
Approbation de Mgr Messire François de Laval, premier évêque de Québec.
Il est du devoir et du zèle de ceux que Dieu a établis
pour pasteurs dans son Église, d'arrêter autant qu'il est en eux les scandales
qui s'y élèvent.
J'estime que c'en était un très grand que l'on voulût
rendre suspectes la foi et la piété des Chrétiens nouvellement convertis dans
les pays étrangers, que l'on décriât la conduite des hommes apostoliques qui
leur vont annoncer l'Évangile et que l'on fournît en même temps par là aux
ennemis de la religion catholique de quoi contester à l'Église la possession
où elle a toujours été du vrai zèle et du soin de convertir les peuples et de
les faire passer de l'idolâtrie à la connaissance et au culte du vrai Dieu.
Les deux livres, dont le titre est marqué à la tête de
celui-ci, produisaient ces méchants effets. C'est ce qui m'a fait prendre avec
joie l'occasion que la divine Providence m'a offerte d'ajouter ici à toutes
les preuves que l'auteur de cette défense apporte pour mettre la vérité en
évidence, le témoignage particulier que je puis rendre de la pureté de la Foi
qu'ont embrassée et que conservent par la miséricorde de Dieu les nouveaux
Chrétiens du Canada, et de la vie vraiment apostolique qu'ont menée les
missionnaires qui travaillent parmi eux, ainsi que je l'ai reconnu certainement
par une expérience de vingt-huit années, durant lesquelles il a plu à Dieu de
me charger, nonobstant mon indignité, du soin de cette Église naissante, où je
me suis appliqué à connaître assez à fond toutes les choses qui se sont passées
tant de la part des peuples sauvages qui ont reçu l'Évangile, que de la part de
ceux qui le leur ont porté.
Je puis assurer en particulier à l'égard des Jésuites,
qui y travaillent avec zèle et bénédiction depuis longtemps, que j’ai été
témoin de la sagesse, de la droiture, du désintéressement et de la sainteté de
leur conduite dans ces missions.
Il y a lieu de croire qu'ils agissent partout ailleurs
par le même esprit; car c'est ce que prétendent (quoique avec malignité) leurs
adversaires, quand ils répètent si souvent que par la conduite des particuliers
il faut juger de l'esprit qui anime tout le corps.
J'ajoute enfin qu'un des souhaits les plus utiles que
je crois pouvoir former pour l'Église du Canada, c'est que Dieu lui choisisse
par sa bonté dans la Compagnie de Jésus un très grand nombre d'ouvriers
semblables à ceux que cette Compagnie lui a déjà fournis, et qui ont travaillé
avec tant de grâce et de fruit.
J'ai lu attentivement cet ouvrage qui porte pour
titre: Défense des nouveaux Chrétiens et des Missionnaires, et je n'y ai rien
trouvé qui ne mérite d'être mis au jour et qui ne soit très propre à réparer le
mal que les mauvais livres qu'il combat ont causé dans l'Église.
Fait à Paris, le 25 d'octobre 1687.
François, premier évêque de Québec.
Altera nova positio pp. 600-601
Extraits d'une lettre à M. Dudouyt, procureur du
Séminaire de Québec à la Cour, sur un projet de fusion entre le Séminaire de Saint-Sulpice
de Montréal et le Séminaire de Québec
Québec, ce 12 novembre
1689.
Puisque la barque que l'on a envoyée en France ce printemps est
arrivée, vous aurez su l'accident d'une chute très dangereuse qui m'était
arrivée, de laquelle je gardais encore le lit quand je vous écrivis. J'en suis
demeuré fort incommodé du bras gauche; à quoi est survenu un autre accident qui
m'a retenu cinq mois sans exercice, étant arrêté par le pied et la
jambe. Vous le connaîtrez par diverses lettres où il en parle plus au long et
ce ne serait qu'une répétition que de vous le réitérer. Notre-Seigneur et sa sainte Mère en disposeront comme il
leur plaira.
Je ressens bien que mes forces s'affaiblissent beaucoup; à l'âge de
soixante ans passés, nous ne pouvons pas attendre autre chose que
l'accroissement de nos infirmités...
M. Poitevin était un bon serviteur de Dieu. Ce que j'estime plus en sa
mort et qui est une marque de l'esprit de Notre-Seigneur, est le bon usage
qu'il a fait de tout ce qu'il possédait. C'est une grâce bien particulière de
Dieu, puisque sa Providence a voulu lui inspirer de vous résigner son prieuré
de Château Portien. Nous avons sujet de l'en bénir de la manière dont vous me
parlez. Il serait bien difficile de le pouvoir réunir au Séminaire, [ce] qui
serait un bien, s'il en donnait les moyens et les ouvertures. Notre-Seigneur et
sa sainte Mère en disposeront comme il leur plaira.
Puisque ce
que vous m'écrivez qui regarde Saint-Sulpice n’a pas été exécuté suivant les
vues que l'on avait eues, il faut se conformer aux desseins de Dieu, qui fait
tout pour le mieux.
Nous
conservons toujours une grande union avec le Séminaire de Montréal, rempli de
bons et vertueux ecclésiastiques. Nous avons cette année donné l'ordre de
prêtrise à M. de Belmont.
Ce que vous
avez fait au regard de Saint-Sulpice et des ouvertures que vous y avez faites,
seront utiles et feront (sic) du bien sur les esprits. Je crois qu'il ne faut
pas pousser la chose plus avant. Dieu en tirera sa gloire.
Je bénis
Notre-Seigneur et sa sainte Mère de ce que le Séminaire de Paris reprend plus
en plus son premier esprit. C'est une chose bien nécessaire et importante pour
le bien et avancement de celui de Québec. Ils feront très bien d'en bannir les
abbés mondains, ce qui lui a fait un grand tort par le passé. C'est une bonne
chose que vous y demeuriez; cela fortifiera l'union qui doit être entre les
deux Séminaires et donnera plus de facilités pour beaucoup de choses qui
concernent l'établissement de celui-ci, temporelles et spirituelles.
François, évêque de Québec
Altera nova positio pp. 372-374
Lettre au
Nonce apostolique auprès du Roi de France, François Nerli, 1673
J'avais prié ce matin
M. Castel de vouloir recevoir trois mille livres qui sont mille écus et de les remettre
ensuite entre les mains de qui vous auriez agréable. Il a été ce matin pour
avoir honneur de vous voir, mais il ne vous a pas rencontré. Il a témoigné à
M. votre auditeur que je n'ai que mille écus c'est-à-dire trois mille francs
de notre monnaie de France. C'est ce que j'ai toujours compris ne sachant pas
même la différence de la valeur de monnaie lorsque M. Castel me l'a fait
connaître aujourd'hui.
Je vous prie,
Monseigneur, si l'on faisait quelque difficulté en cour de Rome sur ce point,
de vouloir employer votre autorité et crédit afin que je puisse avoir
l'expédition de mes bulles pour cette somme, n'ayant rien à espérer de la cour
de France dans les conjonctures fâcheuses de la guerre.
J'ai été obligé
d'emprunter cette somme de deux personnes, ce qui est à vrai dire, eu égard à
l'état de mes affaires et des grandes charges que j'ai à porter pour le
soutien de mon Église, faire l'impossible et au-dessus de mes forces; mais je
suis bien aise d'avoir cette
consolation de n'avoir rien omis de ma part pour me donner le moyen de retourner
ce printemps-ci à mon Église, qui souffre de mon absence et si longue. J'espère
de votre bonté que vous écrirez si fortement à Sa Sainteté, à Mgr le Cardinal
Altieri et à Messeigneurs les Cardinaux de la Congrégation Consistoriale qu'ils
accorderont cette grâce à cette somme pour toute chose.
Du moins je puis assurer
que c'est tout l'effort que je puis faire et duquel même je demeurerai
incommodé à la suite. Que si absolument l'on exige une plus grande somme, vous
pourriez avoir la bonté de donner l'ouverture de la prendre sur les fonds que
la Sacré Congrégation de la Propagation a entre les mains et que vous m'avez
fait la grâce de me proposer pour commencer quelque établissement qui puisse
servir de subsistance aux ecclésiastiques qui feront les fonctions de chanoines
dans mon église de Québec; pour laquelle affaire je vous supplie de vouloir
continuer vos soins auprès de Messeigneurs de la Congrégation de la Propagation
de la Foi.
Il y a seulement à observer
qu'il est beaucoup plus à la gloire de Dieu et plus utile pour l'état de
l'Église du Canada que 1'évêque puisse changer et disposer de ses
ecclésiastiques dans les dites fonctions, ainsi qu'il le jugera à propos et
nécessaire pour le bien de son Église ainsi que Sa Sainteté me l'a déjà accordé
par un bref pour les fonctions curiales, pour raison du besoin que l'évêque
aura toujours de missionnaires et d'ouvriers qui soient amovibles ad nutum et
d'en envoyer à la place de ceux que l'on jugerait plus propres pour des
fonctions plus sédentaires.
Je prends bien de la
liberté, mais je connais votre bonté et votre zèle pour les oeuvres de piété.
Vous aurez part en celui-ci aux bénédictions d'une Église naissante et je serai
toujours avec bien du respect, Monseigneur,
Votre très humble et très
obéissant serviteur,
François, évêque de Pétrée.
À Paris, ce 12 jeudi
après-midi 1673.
Altera nova positio pp. 129-131
Lettre au Duc de Beauvilliers, automne 1689.
Monsieur.
Je ne puis, quoique je sache
les grandes et continuelles occupations que vous avez pour le bien de l'État,
me dispenser de vous témoigner ma reconnaissance de toutes les bontés que vous
continuez de faire paraître pour cette Église, en particulier pou le Séminaire,
qui vous en rend avec moi ses très humbles action de grâces. Je puis vous
assurer qu'il a reçu avec respect et sou mission les articles que vous avez
bien voulu prendre la peine de régler. S'ils étaient bien observés de part et
d'autre ce serai le véritable moyen de conserver la paix dans cette Église. M.
l'abbé de Brisacier vous informera de tout aussi bien que M. le marquis de
Denonville, qui a une parfaite connaissance de ces affaires. Le Séminaire s'est
entièrement remis à son jugement tant de l'exécution de ce qui s'est réglé que
pour ce qui reste régler. \mais ayant trouvé de l'opposition, il a jugé plus à
propos que la chose se décide en France. Toute cette Église espère que vous
aurez la bonté d'achever ce que vous avez Si bien commencé pour le bien de la
paix qui en a toujours depuis trente ans fait toute la bénédiction.
Je vous avoue, Monsieur, que
comme mes continuelles infirmités jointes à mon âge me donnent sujet de croire
qu'il me reste peu de temps à vivre, j'aurais eu une grande consolation de voir
avant ma mort l'établissement de Séminaire affermi et dans un état de continuer
à rendre à cet pauvre Église naissante de laquelle il a été jusqu'ici un des
plus grands appuis, tout le service qu'il a fait jusqu'à présent. C'est ce
qu'il y a sujet d'espérer étant sous votre protection, de laquelle je vous
demande la continuation et quelque part à vos prière vous assurant qu'il n'y a
personne qui soit avec plus de respect que moi, Monsieur.
Altera nova positio p. 448
Lettre à l'archevêque de Paris de
Noailles signée par le bienheureux François de Laval et Mgr de Saint-Vallier, 25 septembre 1698.
Monseigneur.
Après vous avoir témoigné le véritable respect que
nous avons pour votre vertu et la reconnaissance sincère que nous conservons de
la protection que vous accordez à cette Église naissante, c'est avec confiance
que nous vous faisons naître l'occasion de lui en donner une nouvelle preuve
dans l'approbation et le soutien que nous vous supplions, Monseigneur, de
donner à la glorieuse entreprise que le Séminaire des Missions étrangères de
Québec vient de faire pour l'établissement de plusieurs missions sauvages sur
le grand fleuve Mississipi et dans toutes les nations les plus éloignées de
cette partie du monde, auxquelles il donne ouverture, dont les peuples sont en
Si grand nombre que l'on y peut compter plusieurs millions d'âmes qui sont
toutes abandonnées, aucun missionnaire n'ayant encore tenté de s'y établir.
Cependant l'esprit et la fin principale de l'institut
du dit Séminaire étant de travailler au salut des infidèles et des peuples les
plus abandonnés, il a cru ne pouvoir différer et se dispenser de se servir de
l'ouverture que la divine Providence lui a faite pour y envoyer des
missionnaires.
L'effort qu'il a été obligé de faire cette année
au-dessus de ses forces pour l'envoi des premiers dans les lieux les plus
éloignés, lui a fait assez paraître qu'il lui est possible de pouvoir continuer
ce grand ouvrage si avantageux et nécessaire à cette Église et fournir à toutes
les dépenses qu'il faut faire pour y en envoyer de nouveaux qui doivent
seconder et secourir les premiers dans des missions Si peuplées et de si grande
étendue, s'il n'est aidé considérablement, comme nous avons tout sujet
d'espérer, de la piété, du zèle et de la générosité du Roi qu'il voudra bien
lui donner les moyens de soutenir une entreprise commencée avec tant de
courage.
Sa Majesté, qui répand libéralement ses grâces sur les
Pères Jésuites qui sont appliqués à la conversion des sauvages auxquels elle accorde
annuellement la somme de six mille livres sur l'état des charges du pays, et
Messieurs de Saint-Sulpice qui reçoivent tous les ans une pareille somme sur le
même fonds pour la mission des sauvages qu'ils ont dans l'île de Montréal, se
portera sans doute à gratifier le Séminaire des Missions étrangères de Québec, Si vous avez la bonté, Monseigneur,
de lui représenter l'importance des nouvelles missions qu'il vient
d'entreprendre et l'union parfaite clans laquelle nous vivons et à laquelle
vous avez Si fort contribué.
Nous espérons que Dieu versera ses bénédictions sur
le grand ouvrage que nous vous recommandons, et que vous nous ferez la grâce,
Monseigneur de le soutenir par le crédit que vous avez auprès du Roi aussi
grand et religieux que le nôtre, pour lequel nous continuerons
d'offrir nos voeux et nos prières.
Nous sommes avec tout le respect possible.
Monseigneur,
Vos très humbles et très
obéissants serviteurs
François, ancien évêque de Québec.
Jean, évêque de Québec.
Altera nova positio pp. 579-580
Dernière mise à jour 27 novembre 2013